And the Oscar goes to… Netflix! (clap clap clap)

L’amie Netflix va gagner gros en 2021, et pas uniquement aux Academy Awards. Avec 22 nominations dans les catégories Cinéma des Golden Globes, contre 17 l’an passé, la plateforme semble inarrêtable (CR : Mohamed Hassan, Pixabay).

Forte de 200 millions d’abonnés dans le monde au dernier trimestre de 2020, Netflix va faire main basse sur les cérémonies de remises de prix de ce début d’année – les nominations de la soixante-dix-huitième cérémonie des Golden Globes, qui ouvrent les hostilités, ont été annoncées ce mercredi 3 février. Une bagatelle en comparaison avec l’élargissement de son public, l’arrêt des festivals et la fermeture des salles engendrés par le coronavirus ? Absolument pas. Plutôt le dernier rempart vers un septième art entièrement Netflixisé. 

Streaming 1 – Covid 0

En novembre 2020, Le Canard Enchaîné écrivait sur les « profiteurs du Covid » : de Amazon à Uber Eats, pandémie a rimé avec casse du siècle. Netflix fait partie de ces heureux gagnants. À sa suite, Disney + a réalisé des débuts spectaculaires, avec 73,7 millions d’abonnés mondiaux captés en un an, soit 200 000 par jour en moyenne. HBO Max – filière de Warner Bros, symbole de l’adaptation des studios classiques – ne s’est pas laissée faire, en proposant Wonder Woman 2 à ses abonnés, en plus des mises en ligne à venir de quelques uns de ses projets les plus excitants de 2021 : de Dune à Matrix 4, la liste risque de s’allonger. 

Le constat est sans appel. Les plateformes sont l’avenir du cinéma. Et la raison est simple : elles épousent notre époque, en quête de rapidité, d’un divertissement permanent et d’une expérience individuelle.

Pour le moment, l’offre cinéma des nouveaux-nés du streaming ne leur permet pas de prétendre à une pléthore de récompenses chapliniennes, mis à part Netflix, à un tournant de sa courte histoire.

Des projets jusqu’à plus soif

Un chiffre : cinq des dix films les plus populaires des compétitions 2021 (Da 5 Bloods, The Trial of the Chicago 7, Ma Rainey’s Black Bottom, Mank et plus récemment Malcom & Marie, attendu en France le 5 février) sortent de l’écurie Netflix. Les points forts de ces productions, c’est qu’elles sont diablement actuelles. Elles taclent les stéréotypes – faisant de ces thèmes leurs fers de lance pendant les interviews, dessinent des femmes fortes, émancipées ou s’émancipant, reprennent des classiques de la littérature (August Wilson pour Ma Rainey’s), font des clins d’œils à des incontournables de l’écran (Malcom & Marie, Cassavetien) et reposent sur des castings étoilés – or, le star-system a le vent en poupe. Netflix le sait, prêtant attention aux noms calligraphiés sur ses affiches. Denzel et John-David Washington, Zendaya, Sacha Baron Cohen, Viola Davis, Chadwick Boseman, Glenn Close, Amy Adams, Meryl Streep, Nicole Kidman, Gary Oldman. Même son de cloche côté réalisateurs : Ron Howard, David Fincher, Spike Lee, Paul Greengrass ou le très plébiscité créateur d’Euphoria, Sam Levinson, peuplent la verte prairie du « Tu Dum ». Un doux délire, qui culminera logiquement avec le remplacement du mot HOLLYWOOD sur les monts Santa Monica par un NETFLIX. 

Alors que les collaborations avec Scorsese ou Cuarón semblaient relever de l’exception à la règle, du coup d’un soir sans conséquences, l’année écoulée a prouvé l’exact contraire. 

Cours Forrest, cours !

Depuis janvier, Netflix propose, au minimum, un film original par semaine – évidemment, tous ne seront pas des succès critiques, des friandises de cinéphiles ou des appâts à trophées. Reste qu’avec plus de cinquante longs, il y aura forcément quelques identités remarquables. Don’t look up, un des projets les plus attendus de l’année, n’a pas encore de date de sortie. Juste des noms, beaucoup de noms. Sous la houlette du réalisateur de The Big Short et Vice, on retrouvera Leonardo – « aime la planète » – Di Caprio, Jennifer – « Katniss » – Lawrence, Cate – « Cate » – Blanchett, Timothée – « oh qu’il est vraiment trop cute » – Chalamet et Ariana – « wesh trop bonne » – Grande. Bon, ça ne fait pas tout, et la probabilité qu’il s’agisse d’une bouse intersidérale n’est pas nulle. Mais on veut y croire. De toutes nos forces. 

Symbiose gagnante ou insémination ratée ?

Les avis divergent : Jacques Attali, dans l’introduction de son dernier livre Histoire des médias. Des signaux de fumée aux réseaux sociaux et après (2021), prédit une montée en force des plateformes qu’il faudra démanteler, dans un « combat planétaire », pour le « respect de la vérité, l’équilibre des pouvoirs » et la liberté des hommes. Moins alarmiste, l’actrice Jodie Foster, au détour d’une interview accordée au magazine Première, explique qu’elle « est persuadée que les gens n’iront plus au cinéma qu’occasionnellement en payant 50 dollars leur billet pour voir des films à grand spectacle. ». « Le reste existera sur les plateformes. », ajoute-t-elle. 

Alors oui, ce n’est pas pareil de voir un film en salle ou chez soi. Mais les spectateurs ont assurément appris à se passer du grand-écran. La vraie question reste : est-ce que cela change la façon de faire du cinéma ? La réponse est non. Parce qu’il n’y a pas une façon unique de faire et de vivre du cinéma. Entre réinvention et tradition, Netflix propose un autre modèle – qui n’est pas moins bien, mais différent. Une fois cela en tête, ce qui relève de l’impossible pour les aficionados des salles, il conviendra de rapidement mettre en place une législation et des obligations de financement de la création dépassant les engagements à venir – et à revoir régulièrement – à la hauteur de la place que le streaming occupera. Une place unique et totalitaire, sans nul doute. 

Revenons à nos moutons

Revenons enfin à ces cérémonies de prix, des Golden Globes aux Oscars en passant par les Baftas, que nous qualifions de « derniers remparts ». Si Netflix remporte ces messes du cinéma, le game over ne fera plus débat, sans joker de conjoncture. Un film oscarisé voit sa vente de tickets décuplée – pas seulement dans son pays d’origine, mais dans le monde. Sans cette vitrine, les studios et les exploitants perdent l’appui qui leur aurait permis de tenir bon. Également, ne semant que ce que l’on récolte, un projet auréolé de succès attire les créateurs prometteurs en quête d’un foyer. En somme, un cercle vertueux. 

Amis gaulois, rassurez-vous ! Le phénomène se limite pour l’instant aux terres ricaines. Les films français produits par Netflix sont loin de rafler quoi que ce soit aux Lumières ou aux Césars. La plateforme les achète pour une diffusion internationale (comme J’ai perdu mon corps, acquis en moins un avant SARS-CoV-2 et Mignonnes de Maïmouna Doucouré, en septembre dernier), mais ils continuent à être projetés dans les salles françaises. Est-ce à nous dire épargnés par la Netflix mania ? Pas sûr. L’implantation de la firme californienne ne fait que débuter, et les accords bientôt signés avec la rue de Valois présagent une présence décuplée en terre Maître Coq. Après Jules César, Reed Hastings aura-t-il la Gaule ?

Matéo Ki Zerbo.

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