Safe Gallery, New York, Maddy Parrasch & Emma Soucek, 19 mai – 14 juillet 2019

« L’art est la présence dans la vie de ce qui devrait appartenir à la mort (…). »

André Malraux, La tête d’obsidienne, 1974

Vendredi 14 décembre 2018, vers 17h ; comme à son habitude le téléphone sonne. Pourtant, rien d’ordinaire dans le message qui s’affiche.  Maddy est morte. Non, il ne s’agit pas d’une mauvaise blague. Envahi par l’émotion, quelques mots, mi-pensés, mi-prononcés s’échappent : « trop tôt ». Elle avait 23 ans. 

Plusieurs mois plus tard, perdue dans Brooklyn, une exposition lui est consacrée à la Safe Gallery avec Emma Soucek, sa plus chère amie. En dépit de la situation funeste, l’exposition n’est pas prétexte à un Tombeau mais livre une ode éclatante à l’amitié et la vie ; puissent-elles être passionnantes. 

Dès le seuil de la galerie, on se trouve happé par l’explosion colorée qu’offrent les grandes peintures d’Emma. Faites à partir de papiers, trouvés dans un 99c store pour la plupart puis broyés dans un mixer de cuisine, les couleurs ondoient ; les œuvres hypnotisent, en particulier Around and ‘Round in Circles is a Ride That Goes Somewhere, qui selon les aveux d’Emma- partagés par le spectateur- donne le tournis. Cette peinture est particulière, puisque commencée avant la disparition de Maddy et achevée après, elle est le dernier fruit de la relation d’échanges créatifs qu’entretenaient les deux amies. 


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Emma Soucek, Around and ‘Round in Circles is a Ride That Goes Somewhere, 2019, papier mâché, collage, acrylique, peinture, colle, 127 x 142 cm.

Les œuvres de Maddy sont plus sobres mais partagent une même recherche sur le motif du quadrillage, sur une peinture dont les matériaux constitueraient l’essence ; pour livrer des œuvres palimpsestes, nourries d’images-souvenirs. Le travail de Maddy est un dialogue entre passé et présent, entre technique millénaire et pointe de l’innovation. Ainsi, ses mosaïques assemblent tesselles d’argile et tesselles de gypses, recouvertes d’images au moyen d’une imprimante 3D, allant de l’hippopotame turquoise en faïence d’Égypte antique aux avions à réaction. Ses autres céramiques quant à elles, semblent être des vestiges d’un temps révolu, d’une civilisation disparue dont seuls nous seraient parvenus des fragments de vases et une tablette aux hiéroglyphes indéchiffrables. Dans le fond de la galerie, un mur couvert de monotypes à l’allure de cartoons qui prêtent à sourire. Parmi eux, un personnage à la bouche ouverte levant les yeux au ciel, un chat noir au regard fixe ou encore un fantôme arborant un rictus : bienvenu dans l’univers de Maddy et d’Emma. Ces dessins, langage commun aux deux amies, Maddy les égrenait derrière elle à la façon d’un Petit Poucet.

Maddy Parrasch, “Untitled”, 2018, tesselles de céramique sur bois, 79 x 82,5 cm.
Maddy Parrasch, ”Untitled”, 2018, céramique, environ 20x 27 cm.
Maddy Parrasch, Untitled (35 Monoprints), 2018, 35 monotypes dans des cadres en bois, dimensions variables.

Au sortir de la petite galerie, un sentiment d’amertume : on regrette ou plutôt on se désole que Maddy nous ait quittés si tôt et on ne peut qu’entrevoir, en imagination, ce qu’aurait été son œuvre. Pour seule consolation, un zine ou des lithographies ; minces souvenirs de l’amie pour les uns, de l’artiste pour tous que fut Maddy. 

Couverture du zine de l’exposition. 


Par Edmond de Taillac, étudiant en CPES 2 Histoire de l’art

Aspill

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