LUNDI ALUMNI #18 : SUZANNE VOGEL

De Paris à Abidjan en passant par New York, Suzanne Vogel nous a partagé son expérience dans le monde international de l’art contemporain africain. L’équipe de Lundi Alumni vous propose cette fois-ci une plongée guidée dans le monde de la culture, une bouffée d’air en attendant la réouverture des musées !

Pour toute question, crise existentielle ou recherche d’âme sœur pour vous guider après le CPES, CPES-PSL Alumni est là pour vous aider ! Suzanne a d’ailleurs bien insisté : n’hésitez surtout pas à la contacter si son parcours vous intéresse ‼ Envoyez lui un mail ou écrivez-nous pour qu’on vous donne son numéro de téléphone 🙂

« De ses années au CPES Suzanne retient notamment la liberté et la densité intellectuelle des cours qui répondaient à sa curiosité et ses envies. Après le CPES, elle n’a d’ailleurs plus retrouvé le même équilibre de ces deux qualités, ni à l’ENS, ni à Sciences Po. »

Tout débute par une découpe d’article.

Bonne élève au profil de classe préparatoire, Suzanne ne pouvait pas concevoir de passer 2 voire 3 années à préparer des concours qui ne l’interpellaient pas intellectuellement. Tout a changé grâce… à sa grand-mère : « Ma grand-mère avait l’habitude de m’envoyer des découpes d’articles par la poste. Un jour en Terminale j’ai reçu une lettre contenant un article décrivant une nouvelle formation innovante, reposant sur de grandes écoles. »

Suzanne garde un excellent souvenir du CPES, décrivant la formation comme très formatrice de par l’exigence et la responsabilisation induite par le work in progress du CPES qui, selon elle devrait être un état permanent de la formation : « Je pense que le CPES doit rester en devenir, ça responsabilise les élèves, ça place directement dans une position très intéressante. Ça nous rend responsable de notre enseignement ».

De ses années au CPES elle retient notamment la liberté et la densité intellectuelle des cours qui répondaient à sa curiosité et ses envies. Après le CPES, elle n’a d’ailleurs plus retrouvé le même équilibre de ces deux qualités, ni à l’ENS, ni à Sciences Po. Ses années au master de philosophie politique entre l’ENS et l’EHESS ont été d’abord rythmées par son CDD chez Gallimard puis par le master d’affaires publiques spécialité culture de Sciences Po qu’elle a suivi en parallèle du M2.

« Je faisais partie du groupe des gens qui ne savaient pas ce qu’ils veulent faire. Je craignais que l’impression que j’avais de tout aimer soit le signe que je n’aime en réalité rien. Je me posais beaucoup de questions existentielles, c’est nécessaire mais il ne faut pas qu’elles deviennent une obsession finalement paralysante. »

« Je faisais partie du groupe des gens qui ne savaient pas ce qu’ils veulent faire. Je craignais que l’impression que j’avais de tout aimer soit le signe que je n’aime en réalité rien. Je me posais beaucoup de questions existentielles, c’est nécessaire mais il ne faut pas qu’elles deviennent une obsession finalement paralysante. »

En effet, s’étant vite rendue compte qu’elle ne souhaitait pas travailler dans la recherche ni dans l’enseignement, elle a postulé au cours de sa première année de l’ENS au master d’Affaires publiques spécialité culture de Sciences Po. Elle n’y a pas réellement trouvé chaussure à son pied mais il lui a permis d’ouvrir des horizons : « Je ne savais pas vers quoi me tourner et ai donc opté pour la formation la plus large qui soit avec son intitulé « culture ». La maquette était en effet très diverse et plus concrète, ce qui m’a permis de de rééquilibrer ma formation par rapport à l’abstraction de la philosophie ainsi que de rencontrer des professionnels du monde de la culture. J’ai par contre été très déroutée de tomber dans une formation finalement assez infantilisante où l’on était policés comme au lycée. »

Si elle regrette de ne pas avoir fait d’année de césure, deux expériences lui ont permis d’accéder au poste qu’elle occupe aujourd’hui.

A l’issue du CPES, son stage à la collection Quarto aux Editions Gallimard se sont ensuivies de quelques CDD au fil de sa première année de master. Elle a notamment travaillé sur la compilation des œuvres de Jean Starobinski : elle passe son mois d’août à reconstituer les textes de l’intellectuel publiés dans des journaux, catalogues d’expositions etc. Si cette expérience ne lui a pas révélé une passion pour l’édition, elle aime ce travail de recherche et d’écriture auprès de Françoise Cibiel, créatrice et directrice de la collection Quarto. Elle poursuit donc en CDD au fil de sa première année de master et travaille notamment sur un projet (finalement avorté) de 4 volumes sur l’œuvre de Freud. C’était sans compter les querelles entre les différentes écoles de psychanalyses, et son rôle délicat de médiatrice !

« Les débuts n’ont tout de même pas été si aisés : travailler dans une galerie c’est avant tout créer un lien avec des artistes, les rencontrer, se plonger dans leurs œuvres pour les comprendre… Ce n’est pas toujours chose facile, il faut sans cesse s’adapter à leurs attentes, à leurs doutes mais quelques fois l’alchimie opère et elle se rapproche de certains d’entre eux. »

Par la suite, pour valider son master de Sciences Po elle était à priori plutôt intéressée par le monde du spectacle vivant. Bien que Paris soit un centre incontesté des arts elle souhaitait changer d’air : « Mon copain avait voyagé en Afrique de l’Ouest et m’en parlait beaucoup. Il allait d’ailleurs partir à Dakar et j’ai eu envie de le suivre. J’ai envoyé mon dossier à des Instituts français sans obtenir de réponse. En parlant autour de moi de mes galères, un ami d’ami m’a parlé de la galerie Cécile Fakhoury. Je n’avais encore jamais pensé aux arts plastiques, et encore moins au secteur privé, mais j’ai envoyé une candidature spontanée et ils avaient justement besoin de quelqu’un à Abidjan à ce moment-là. Je n’avais a priori pas le profil idéal mais mon passage dans des écoles renommées a visiblement compté dans la confiance qu’ils m’ont accordé. La galerie voulait en plus ouvrir son département éditorial donc mon expérience chez Gallimard a été un plus. »

La Galerie Cécile Fakhoury est la plus importante galerie d’Afrique de l’Ouest (il y en a de très grandes en Afrique du Sud et Nigeria notamment), avec une reconnaissance internationale – elle était par exemple la première galerie africaine à être sélectionnée pour la FIAC (Foire Internationale d’Art Contemporain, Paris), en 2019 et 2020. Basée à Dakar, Abidjan et Paris, la galerie représente aujourd’hui 23 artistes ayant un lien avec l’Afrique par leurs origines, du fait d’y avoir vécu ou d’y vivre. Suzanne a donc découvert par la pratique le monde des galeries où elle retrouve le même rôle d’intermède et promoteur qui lui avait plu dans l’édition : accompagner les artistes dans leurs œuvres, faire la scénographie d’une exposition, coordonner une monographie sur un auteur, parfois apaiser des angoisses. Son métier est réellement polymorphe : il n’y pas le temps de s’ennuyer !

Les débuts n’ont tout de même pas été si aisés : travailler dans une galerie c’est avant tout créer un lien avec des artistes, les rencontrer, se plonger dans leurs œuvres pour les comprendre… Ce n’est pas toujours chose facile, il faut sans cesse s’adapter à leurs attentes, à leurs doutes mais quelques fois l’alchimie opère et elle se rapproche de certains d’entre eux. A commencer par le premier dont elle s’est occupée, Sadikou Oukpedjo, ou encore Roméo Mivékannin qu’elle a rencontré l’été dernier dans son atelier toulousain.

En s’installant à Abidjan, Suzanne a aussi découvert une communauté culturelle plus petite au sein de laquelle la galerie, par son influence, occupe une place importante auprès de différents publics. Elle a ainsi pu découvrir chez elle un réel plaisir à la communication et à la médiation, qu’elle ne soupçonnait pas forcément.

Aujourd’hui Suzanne est à New York auprès de l’artiste ivoirien Ouattara Watts, récemment entré dans les collections du MoMA, pour travailler sur sa monographie à venir.   

That’s all folks ! Rendez-vous la semaine prochaine pour un nouveau portrait !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *