LUNDI ALUMNI #34 Mouna Lekhnati

Cette semaine, Lundi Alumni vous conte la force de Mouna, CPESienne de la première heure, issue de la promo 2013-2016. D’un lycée de ZEP à Sciences Po Paris en passant par l’Argentine et l’Angleterre, venez découvrir le parcours de Mouna.

« À Henri IV, j’ai ressenti un double gap. Celui d’avoir été un gros poisson dans une petite mare au lycée, puis d’être un petit poisson au milieu de personnes excellentes et chacune unique.»

Mouna fait partie de ces excellentes élèves qui ont donné une chance au CPES à sa création. Dans son lycée à Meaux, Elle avait entendu parler en terminale de l’ENS et Sciences Po grâce à la convention d’éducation prioritaire dont faisait partie son lycée, mais assez peu entendu parler des classes préparatoires. « À l’époque je faisais un milliard de portes ouvertes. Je me suis dit qu’Henri IV semblait inaccessible mais que cela ne coûtait rien et j’y suis allée ». Mouna rencontre les premiers élèves, ceux de la toute première promotion qui l’ont beaucoup encouragée. Elle postule. L’annonce de sa candidature au CPES à ses professeurs de lycée n’est pas très bien comprise : ni une prépa, ni une licence, le lycée Henri IV. Mouna persiste. À la rentrée 2013, elle passe les portes du lycée du haut de la montagne Saint Geneviève. C’est beau, c’est impressionnant et surtout Mouna se sent noyée. « En SESJ à Henri IV, je ressentais j’ai ressenti un double gap. Celui d’avoir été J’ai eu l’impression d’être un gros poisson dans une petite mare au lycée, puis d’être un petit poisson au milieu de personnes excellentes et chacune unique. ».

« Mon expérience n’aurait jamais été la même si je n’avais pas eu la Cité U »

Ce qui marque Mouna c’est ce « microcosme » dans lequel elle se trouve. Comme elle l’explique, comme nous l’avons tous un peu ressenti, la sélection fait que chacune et chacun des élèves est excellent, unique et a une histoire à raconter. Il est plus difficile de trouver sa place, de trouver son identité autre que celle de « la bonne élève ». Elle trébuche un peu. « Je me suis prise une grosse claque sur les notes et sur le niveau. C’était surtout les maths et l’anglais qui étaient très clivants ». Mouna sent une marche importante entre son lycée d’origine et cette nouvelle formation alternative dans laquelle elle se trouve. Ce qui la fait tenir, c’est notamment la cité universitaire. « Mon expérience n’aurait jamais été la même si je n’avais pas eu la Cité U ». Pour Mouna, la cité u, c’est l’émancipation avant d’être des liens très forts. « Chez moi, je partageais ma chambre avec ma petite sœur, je n’avais pas d’espace et honnêtement, je n’aurais jamais pu assumer une aussi grosse masse de travail dans ces conditions ». Mouna s’investit dans ce nouvel environnement. Elle s’engage dans le comité des résidents de la cité, ce qui lui offre une ouverture sur d’autres cultures et environnements, parfois plus éloignés des moments anxiogènes du CPES. « Pendant les moments de stress, c’était difficile de vivre à la cité u et de voir tout le monde en panique. Surtout en deuxième année ».

« Il faut lâcher le tabou et ne pas hésiter à demander de l’aide psychologique, amicale, financière… Après la deuxième année, j’ai failli arrêter »

La deuxième année, Mouna se spécialise en sociologie et économie. « J’aimais beaucoup l’économie à l’époque, mais les maths, c’est resté une difficulté surtout lorsque l’on vient d’un bac ES, même avec une spécialité Maths». À l’époque, la deuxième année du CPES s’effectue à l’école des Mines et les CPES ont un cours en commun avec les étudiants des Mines. « Pour les mineurs, c’est un cours d’introduction aux sciences sociales ; pour nous, c’était un peu un cours pratique. On avait du créer un site internet sur la gentrification ». Mouna garde également un bon souvenir de l’administration de cette école. « J’ai vraiment été très soutenue par l’administration et ça c’est très important, surtout en deuxième année. La deuxième année, c’était l’horreur ». En effet, Mouna se rappelle d’une deuxième année très compliquée. Compliquée en termes de charge de travail mais aussi compliquée personnellement. « Il faut lâcher le tabou et ne pas hésiter à demander de l’aide psychologique, amicale, financière… Après la deuxième année, j’ai failli arrêter ». La cité universitaire, libératrice l’année passée, devient parfois étouffante en deuxième année. « J’ai eu besoin de sortir du CPES à certains moments. La cité u c’était génial mais la deuxième année, tout le monde stressait et on ne parlait que travail. Il y avait beaucoup de burnout et on avait parfois peur d’en parler ». Mouna persiste et six ans plus tard, elle en est convaincue, c’est le soutien entre élèves qui lui a permis de tenir. « Tu vis vraiment des moments forts, à tout point de vue et vraiment, c’est ce qui fait la force du CPES et ce sont les liens créés qui m’ont permis de tenir »

« Mon rêve c’était l’urbanisme et de faire du développement urbain, de travailler sur les bidonvilles »

La troisième année marque l’arrivée à l’université Dauphine, en sociologie et sciences politiques. « J’ai trouvé les cours de Dauphine en sociologie d’une très grande qualité. J’ai beaucoup appris en méthode et c’est vrai que sur le thème de la sociologie des dominants il y a plein de terrains qui sont assez hermétiques mais Dauphine m’a beaucoup appris de ce côté-là et donné des nouvelles clés de compréhension du monde ». À Dauphine, Mouna retrouve sa fibre hyperactive et s’engage dans l’association Micro-Finance de Dauphine. « C’était très éloigné du CPES mais assez intéressant, j’ai beaucoup appris ». Mouna cumule également un job étudiant. Huit heures par semaine, elle réalise de la prospection téléphonique pour des agences immobilières, un job qu’elle a trouvé grâce à une annonce sur le groupe de la cité universitaire. Cet emploi, c’est en partie ce qui lui permet de financer son semestre en Argentine, à Buenos Aires, pour sa première année de master APRS à Dauphine. « Mon rêve c’était l’urbanisme et de faire du développement urbain, de travailler sur les bidonvilles ». Pendant cet échange, Mouna apprend beaucoup et se remet en question. « À Buenos Aires, j’ai découvert un autre monde et je me suis vraiment demandée quelle était ma légitimité. Qui suis-je moi petite française, pour travailler sur quelque chose d’aussi politique la ville dans un pays dont je n’ai pas les codes ? ».

« Encore boursière du CROUS, j’ai obtenu une bourse à LSE et j’ai décroché une bourse privée à la fondation pour la vocation. »

Son nouvel objectif, c’est le double master Sciences Po-LSE en Urban Policy pour pouvoir travailler sur les enjeux urbains européens. Mouna est vraiment attirée par l’idée de partir à l’étranger pour découvrir deux systèmes. « L’urbanisme en Angleterre c’est moins planifié, c’est beaucoup de jurisprudence et je voulais vraiment avoir les deux points de comparaison ». Mouna a déjà été refusée deux fois par Sciences Po, après le bac et après la L3. Qu’importe, elle a trouvé sa voie, elle repostule à Sciences Po. « J’ai été prise à deux masters et là, s’est posé une autre question tout aussi importante, celle du financement ». Les frais de scolarité britanniques sont très élevés, elle doit faire preuve de débrouillardise. À l’image de son parcours, Mouna a créé et saisi toutes les opportunités qui se sont présentées à elle. « Encore boursière du CROUS, j’ai obtenu une bourse à LSE et j’ai décroché une bourse privée de la fondation pour la vocation. » Chaque année, cette fondation donne des bourses à douze personnes pour les aider à financer leurs ambitions, à condition qu’ils démontrent une vocation. La vocation de Mouna, depuis longtemps, c’est l’urbanisme. « En L3, j’ai participé à la Harvard Summer School à Paris parce que le thème mêlait biologie et urbanisme. Il s’agissait de monter un projet pour construire la ville de demain et de le présenter à la mairie de Paris. Elle a duré deux mois, nous étions en groupe avec des étudiants d’Harvard et de SciencesPo, c’était passionnant !».

« Je jouais beaucoup aux Sims quand j’étais plus petite je passais déjà des heures à créer et modéliser leur ville et leurs quartiers plutôt qu’à créer des personnages. Je me suis dit qu’il y avait des connexions à faire avec la réalité »

Mouna saisit les opportunités que lui présente ces deux écoles presque jumelles que sont Sciences Po et LSE. À Sciences Po, elle participe à un projet collectif pour la fondation Bouygues Immobilier sur l’économie sociale et solidaire. Elle y effectue un stage dans les Grands Projets Urbains jusqu’à son départ outre-manche. À la LSE, Mouna travaille sur les interfaces entre jeux vidéo et urbanisme pour son mémoire de fin d’étude. « Je jouais beaucoup aux Sims quand j’étais plus petite et je passais déjà des heures à créer et modéliser leur ville et leurs quartiers plutôt qu’à créer des personnages. Je me suis dit qu’il y avait des connexions à faire avec la réalité ». Pour son mémoire à la LSE, Mouna travaille sur l’appel de projet lancé par le ministère de la cohésion des territoires en partenariat avec Microsoft et l’IGN. « Tu pouvais télécharger la carte de ta ville et l’imaginer en 2050, l’idée était d’impliquer les plus jeunes dans la fabrique de la ville de demain ». Elle participera ainsi à l’écriture d’un article sur les liens entre jeux vidéo et urbanisme qui sera publié dans la revue Géographie et Culture. Mouna aime s’appuyer sur les jeux vidéo pour soulever les problèmes politiques et éthiques de l’urbanisme. « Aucun sujet n’est illégitime. Si tu sens qu’il y a un sujet qui te plait, il faut l’explorer ».

De retour en France, son envie est de pouvoir travailler sur le projet des JO 2024. « C’est un projet urbain énorme avec des enjeux écologiques et humains très importants. Paris 2024 devait absolument être pensé pour l’héritage, en incluant les habitants ». C’est chez Vinci Immobilier qu’elle trouve cette opportunité en travaillant avec les architectes, les élus et les bureaux d’étude sur la partie du futur village située à Saint-Denis. « Pendant deux ans, j’ai travaillé sur le projet de village olympique et paralympique. C’était un poste très opérationnel parce qu’il m’est arrivé de participer à des réunions sur la réécriture du PLU mais aussi du choix des matériaux ». Mouna a beaucoup appris sur ce projet et a confirmé sa vocation. Embauchée en CDI par Vinci, elle travaille désormais sur appels à projets urbains en Île-de-France pour des écoquartiers ou des réhabilitations d’hôpitaux, entre autres.

 On se retrouve la semaine prochaine pour un nouvel article !

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