Vitalité et flot artistique sont au programme ce lundi avec Claire Faugouin qui nous embarque dans le récit de ses années post-CPES.
Après un baccalauréat scientifique dans un lycée parisien, Claire suit deux ans les cours de CPGE littéraire au lycée Victor Duruy à Paris. Séduite par la pluridisplinarité, elle postule en CPES 2 en 2013 (première promotion) alors que le CPES 3 n’existe pas encore:
“En sortant de Khâgne, je ne savais pas trop quoi faire, j’avais tout envisagé, même devenir traductrice ! J’étais un peu perdue mais j’ai découvert le CPES, on y étudiait toutes les matières, c’était parfait car je n’avais pas encore à faire de choix d’orientation!”
Elle suit le parcours philosophie/histoire des arts et aiguise son intérêt pour le cinéma grâce aux projets de recherche de CPES 2 et 3 qui la portent vers le master “Arts et Langages”, spécialité Images et Cultures visuelles à l’EHESS. En parallèle de sa L3 au CPES, elle découvre le théâtre à l’Ecole du Jeu où elle suit les cours du soir sous les conseils de la professeure d’études théâtrales Léna Paugam.
Admissible à l’ENS en master de cinéma sur dossier à la sortie du CPES, l’oral n’aboutit pas, mais elle poursuit sa formation théâtrale en cycle professionnel entre 2015 et 2018 à l’Ecole du Jeu à titre de 23 heures de théâtre hebdomadaire, en parallèle de son master à l’EHESS : double cursus qu’elle juge “sportif”. Claire est consciente de la chance d’intégrer ce cycle entre la sélection et les coûts de l’Ecole du Jeu : “Mes parents sont d’origine modeste, mais par ascension sociale ils ont pu financer mon cursus, et je sais que ce n’est pas donné à tous. Je pourrais dire à tout le monde “vivez vos rêves » mais la réalité économique dont on ne parle pas souvent est à considérer. Être artiste et savoir qu’on ne dormira pas à la rue si tout s’arrête, c’est un privilège de classe”.
Elle étudie la sociologie, la philosophie, les arts visuels et la spécialité cinéma documentaire lors de son master à l’EHESS, qu’elle renommerait presque “arts et sociologie”. La diversité des disciplines lui plaît particulièrement : “on peut se constituer un panel de cours assez vaste, et assister à des cours en auditeur libre, il y a des tas de séminaire à l’EHESS ! J’ai par exemple suivi celui sur l’histoire de la danse, un sur la relation artiste-producteur, ou encore sur les sciences cognitives et l’art… C’était vraiment intéressant, ça m’a beaucoup plu”. Elle y fait un mémoire sur les institutions psychiatriques par le documentaire.
Les deux années suivantes, elle s’investit particulièrement dans le théâtre, puisqu’elle intègre successivement le Conservatoire du 10ème arrondissement et celui du 20ème : “quand on se consacre à ce qu’on aime vraiment, ça éveille forcément la curiosité, on a envie d’explorer tous les genres théâtraux, toutes les manières d’apparaître sur scène… !”.
Elle travaille désormais dans plusieurs compagnies de théâtre, fait des performances, passe des castings de cinéma, fait des transcriptions pour des boites de production documentaire, commence tout juste un stage au sein de l’école de chant Le Hall de la Chanson… en somme une vie bien chargée qui ne se résume pas sur LinkedIn.
“Si c’est autant le bazar dans mon CV c’est parce que je me lance dans plein de trucs, c’est comme une sorte de pathologie chronique de ne pas savoir faire des choix. Alors j’essaie même si parfois ça me joue des tours. On se résume théoriquement à son CV mais on ne fait pas apparaitre les échecs »
dit-elle en rappelant qu’elle n’a pas décroché les conservatoires d’arrondissements dès son premier essai.
Aujourd’hui, Claire est ravie de pouvoir faire ce qu’elle aime, elle ne possède pas encore du statut intermittent qui demande 507h d’activité déclarée par an, mais peut toucher le RSA. Elle rappelle cependant l’énergie nécessaire à l’exercice de ce métier : “je travaille beaucoup, tellement que j’en oublie certains de mes principes de base… J’oublie qu’il faut prendre du temps pour soi, profiter du privilège de lire un bon livre ou écouter des choses que j’aime.”
Ce que son parcours a appris à Claire, c’est d’éliminer le sentiment d’illégitimité permanent dans les études.
“Le travail est important mais il ne faut pas se définir uniquement par lui. Dans les études supérieures françaises, il y a un postulat élitiste qui nous dit qu’on est seulement bons dans le cadre scolaire. Le risque de ce dogme est qu’un échec, même minime, bousille l’égo”.
Ce dernier point prend tout son sens dans le milieu du théâtre, où le diplôme importe peu : « Au théâtre, ça marche aussi beaucoup par réseau, il faut aller rencontrer des gens, c’est très informel. Il ne faut pas hésiter à prendre l’initiative pour travailler sur des projets qui ont un sens pour toi, avec des gens qui t’inspirent, se créer l’environnement le plus porteur possible”.
Article de Lena Perrinet et Marine Bachot avec CPES-PSL Alumni