Exposition (pop)ulaire

Au lycée Edouard Belin à Vesoul, l’Art n’a pas d’espace dédié. Évidemment puisqu’Il est partout. Des sonates mécaniques des bac pro usinage aux tags poétiques des toilettes, tous·tes les élèves pratiquent un ars, une technique platonicienne. Le préau de l’établissement, lieu de notre exposition, est le point névralgique de cette vie artistique (qui s’ignore et est ignorée). On n’y entre pas par le vulgaire escalier du bâtiment scientifique mais il faut pour y pénétrer passer par la grande cour qui donne à voir les sept portes colorées. La variation chromatique vive et acidulée (du jaune poussin au rouge cramoisi), sans doute plus inspirée par le budget réduit de l’Académie que par les couleurs simultanées de Delaunay, prépare l’œil des spectateurices aux expériences éclectiques qu’iels vont vivre dans l’exposition. Un grand soin a été accordé au bâtiment lui-même. Entre le sol bétonné aux nombreuses imperfections et le faux-plafond industriel inspiré des gares du XIXème siècle, ce petit Grand Palais est le lieu idéal d’expression de formes artistiques plurielles. 


Classiques tout d’abord avec les artistes reconnu·e·xs de l’établissement – les fresques des optionnaires arts plastiques trônent fièrement aux deux extrémités du bâtiment sans possibilité d’échapper à leurs formes hypnotiques. Ces fresques figuratives proposent dans une palette réduite aux couleurs primaires, une vision personnelle de l’identité reprenant des éléments iconographiques des différentes cultures des élèves de ce lycée cosmopolite. Deux à trois fois dans l’année, des installations temporaires prennent racines et témoignent de la grande maîtrise technique des plasticien·ne·xs (suspensions aériennes, constructions en bois…). 

Engagées ensuite avec des messages politiques dans des œuvres qui ne le sont pas moins. Sous l’influence des anarcho-professeur·e·xs d’espagnol, des messages libertaires occupent les murs en forme de colombes en origami ou tout simplement d’affiches soixante-huitardes. La nouvelle génération de l’École espagnole quant à elle est plus protéiforme vis-à-vis de la diffusion de ses messages (tables en bois, bancs en aciers ou encore lavabos en faïence). 

Synesthésiques enfin : défilés de mode futuristes, concerts dans la salle du piano qui jouxte l’espace principal, installation son et lumières lors de la rétrospective Skate’N Beuh… Véritable studio d’avant-garde, de nombreux·euse·xs artistes du Préau entament aujourd’hui une carrière reconnue, de la troupe de danse primée aux compétions nationales au groupe punk noise-rock Truckks

Vous l’aurez compris l’exposition que je vous ai présentée n’est pas une exposition muséale, institutionnelle, reconnue comme artistique et pourtant elle a constitué ma première exposition personnelle à l’art. Loin de toute violence symbolique, de tout classisme et paradoxalement au vu du cadre de tout regard académique, c’est une exposition quotidienne, brute et sincère

Par LIMAN Inès, étudiante en CPES 2 – Histoire de l’art

Aspill

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