Alors que le Coronavirus est la vedette du tapis rouge, se cache dans l’ombre l’un de ses confrères qui semble avoir vite été oublié : il s’agit du « Corona-viril ». Si ce nom, devenu un hashtag, ne vous dit rien, ses victimes toutefois se multiplient, touchant toutes les sphères de nos vies. Le Corona-viril serait « Pire que le Coronavirus » comme le titre Atlantico à travers la plume de Benoit Rayski ce dimanche 10 mai : il est partout, et pourtant personne n’en parle. Existant « depuis la nuit des temps » selon ce même auteur, il profite de la panique générale provoquée par son complice pour resurgir alors que nous le pensions en bonne voie de disparition depuis notamment le mouvement Meetoo. Devons-nous ainsi « faire la guerre » également contre ce virus pour reprendre la métaphore du Président au sujet du coronavirus?
Et bien peut-être que non, car c’est justement le caractère viril associé au champ lexical de la guerre qui est dénoncé par certaines figures politiques féministes de gauche, comme Elsa Faucillon, député PCF interviewée par les Inrockuptibles le 4 mai. Elle montre en effet que le plus grand cluster se trouve à la fois au sein des politiques et des médias, ces derniers véhiculant une image très stéréotypée de la situation. Elle pointe notamment du doigt une photo du « conseil de guerre » parue dans Paris-Match dans laquelle on ne voit que des hommes, ou presque, entourant Emmanuel Macron. Elle ajoute dans un article de l’Huffpost du 6 mai que tous les spécialistes à qui la parole est donnée sur de nombreuses chaines d’informations sont tous des hommes, nous faisant « douter qu’il existe une femme médecin ou une économiste dans ce pays ». Les hommes semblent être ceux ayant la situation en main, alors que « celles qui sont réellement au front dans cette crise sont très majoritairement des femmes » comme l’affirme la députée FI Clémentine Autain interrogée par Ouest-France. Si les médias ne semblent pas accompagner ces petites voix, elles tentent de se faire entendre en se rassemblant. Ainsi, mercredi 6 mai, un conseil scientifique, pour diagnostiquer cette épidémie, s’est réuni, dirigé par de nombreuses figures politiques de gauche comme Manon Aubry, ou Gabrielle Siry, en plus de celles que nous avions déjà cité. Ce meeting, animé par une vingtaine d’intervenantes de tout milieu comme le signale toujours l’Huffpost, annonce un bilan lourd, et ceci pour plusieurs raisons. Alors jouons les scientifiques à notre tour et analysons ce phénomène : comment se propage ce vieux virus ?
Si la situation est aggravante aujourd’hui, c’est parce qu’elle ne fait qu’accentuer des inégalités déjà apparentes, et ceci dans le monde entier. D’abord il se trouve que les femmes sont très nombreuses à travailler dans le secteur sanitaire : « en France, les femmes représentent 78% des travailleurs·ses du secteur de la santé », emplois « sous-payés », pouvons-nous lire dans le Politis. Elles sont ainsi fortement mobilisées durant cette période de crise sanitaire. Une tribune parue dans Libération rapproche même cette situation de la Première Guerre mondiale reprenant les mots d’une journaliste de cette époque: «les femmes ont été des domestiques de la guerre». Ensuite, tout ce temps confiné chez soi n’a pas arrangé le partage des tâches ménagères, bien au contraire ! France Bleu reprend ainsi une étude de l’IFOP pour Darwin Nutrition publiée ce jeudi : « elles sont (je cite) plus nombreuses qu’avant à devoir s’occuper de la préparation des repas » par exemple. Surtout, n’oublions pas que le nombre de violences conjugales connait une forte augmentation comme le prouve Le Monde, à travers les paroles de la Commissaire de Clichy selon laquelle les interventions de police pour ce motif auraient augmenté de près de 78% depuis le 17 mars dans sa communauté. Enfin, à l’échelle mondiale, le constat est également alarmant : l’écart de revenues ne fait que s’accentuer depuis le Coronavirus, avec une baisse plus importante des revenues pour les femmes que pour les hommes comme le signale The Independant, et ceci n’est qu’un exemple parmi d’autres de cette situation très inégalitaire.
Alors trouverons-nous un vaccin contre ce virus invisible et invincible ? En l’honneur de la fête des mères célébrée actuellement ce dimanche aux États-Unis, The Philadelphia Inquirer prédit deux issus possible : soit les femmes saisissent cette chance qui leur serait offerte avec cette pandémie pour faire entendre leurs droits et dénoncer les injustices, soit cette situation risque de mener à un recul important de leur émancipation… Seul l’avenir nous dira ce qu’il adviendra, mais terminons par cette citation de Simone de Beauvoir reprise dans une tribune de Politis : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant ».
- Par Shaïma GIBOIRE