Comment la cérémonie tourne à la très mauvaise comédie française ?
Loin de moi l’idée de faire une tribune aussi belle et engagée que celle de Virginie Despentes dans Libération. Je vous invite d’ailleurs à aller lire celle-ci. Mon principal acte de rébellion ici, bien moindre face à celui d’Adèle Heanal, consistera à rédiger cet article sans jamais écrire le nom de la personne dont il question. Mais je pense que cela ne posera aucun problème, à vous chers lecteurs, pour comprendre de qui je parle.
Je ne reviendrai pas ici sur le débat controversé : faut-il séparer l’ARTISTE de l’ŒUVRE? Le problème ici dépasse de loin toute prise de position par rapport à cela et n’a plus rien à faire avec. L’annonce est tombée comme la lame sur le cou des victimes abusées : J’accuse a reçu le César de la meilleure réalisation. C’est donc bien l’HOMME qui a été récompensé et non son film. Car le César de la meilleure réalisation récompense le réalisateur et dans ce cas, c’est bien Celui dont je ne prononcerai pas le nom que l’on voit triompher. De plus, au vu du nombre de nominations reçues par le film, on pourrait se demander si effectivement, en ne traitant que de l’objet filmique, ce dernier n’aurait pas cependant un quelconque intérêt cinématographique. Mais le biopic n’est même pas bon, il est même plus que médiocre. Sa seule existence tient à ses acteurs bankable et son image soignée permise par le financement conséquent qu’il a reçu. Il est désolant de voir le budget mirobolant décroché par ce détraqué pour réaliser un aussi mauvais film qu’il a, de plus, le culot de présenter comme une forme d’autobiographie, prétendant de la sorte être légal du martyr français Alfred Dreyfus, injustement condamné à cause de l’antisémitisme qui sévissait alors en France. Tout ceci est plus que du burlesque mais atteint le grotesque. Les véritables martyres dans cette histoire, ce sont les femmes qui furent ses victimes et plus largement toutes celles qui ont subi le même genre d’agressions et qui ont dû endurer cette cérémonie en serrant les dents.
Mais plutôt que de s’épancher sur la honte des personnes qui soutiennent l’homme, je voudrais plutôt revenir sur celles qu’il faut saluer pour leur bravoure lors de cette cérémonie. Et avant tout, je crois qu’il faut applaudir Florence Foresti qui a accepté le lourd fardeau de la présentation de la Cérémonie. Elle a, par son humour, éclaboussé tous les spectateurs sans aucune exception. De Vincent Cassel à Céline Sciamma, tout le monde a eu le droit à sa vanne et en a pris pour son grade. Son courage ne s’est pas arrêté là. Lorsque la sentence est tombée, elle a quitté la Cérémonie et refusé d’en reprendre l’animation. Alors honte aux détracteurs qui viennent révéler dans l’arène médiatique le cachet qu’elle a touché avec pour but de minimiser, voir de zapper sa réaction. Il parait logique que n’importe quel humoriste ou artiste qui aurait pris en charge ce rôle, se voit rémunérer. Tout travail mérite salaire, et celui-ci était loin d’être tâche facile.
Comme elle, la seconde femme forte de la soirée est Adèle Heanel qui a aussi mis fin à la mascarade en sortant de la salle. Inutile de rappeler ici à quel point, ce geste fort fait écho aux révélations qu’elle a faites dans la presse quelques mois plutôt. Enfin, la troisième femme forte de la soirée et qui est, je trouve, injustement restée dans l’ombre suite à la démission d’Adèle Heanel c’est Aïssa Maïga. Elle est l’héroïne de la soirée qui face à une assemblée désintéressée,essentiellement constituée de blancs bourgeois privilégiés, s’est tenue fièrement en faisant un magnifique discours sur la parité ET la diversité, discours qu’elle n’avait volontairement pas fait valider lors des répétitions. Elle, qui en plus d’être une femme cumule l’autre défaut, selon nos sociétés modernes, d’être Sénégalaise. Elle a ensuite emboîté le pas à Adèle Heanel et rejoint le cortège des manifestantes qui se tenait dehors.
Comme l’a souligné Virginie Despentes, le manque de récompense pour le film de Sciamma à l’inverse des trophées remportés par Ladj Ly qui a produit, lui aussi, un film engagé, mais dont le casting est entièrement masculin, montre bien la réponse oppressive du patriarcat cinématographique français aux voies féminines qui tentent de s’élever depuis maintenant deux ans. C’est une façon pour le « cinéma de papa » de faire taire ces femmes, ces lionnes qui osent prendre la parole et rugir malgré l’humiliation, pour montrer ce qui se cache de l’autre côté de la caméra. Alors comme Despentes, j’arrête de taper sur les touches de mon ordinateur, je clos ici ma tribune, je me lève et je me casse… !!