Bientôt l’été, bientôt la fin d’année, et on vous envoie plein de goodvibes pour la dernière ligne droite <3 . En attendant, pour vous rappeler pourquoi vous êtes au CPES et ce qu’il est possible de faire après, on vous présente aujourd’hui le portrait de Lena Dodson, promo 2017, actuellement 26 ans et toutes ses dents, chargée de mission au département cohésion sociale à l’Arcom (si si vous savez, le nouveau nom du CSA 🙂 ).
En terminal ES dans un lycée non élitiste en Ariège, Lena n’a aucune idée de quoi faire après. Elle passe donc une année postbac aux Etats-Unis, à Portland, en tant que jeune fille au pair. Elle suit en même temps quelques cours dans un community college, une sorte d’école de transition entre le lycée et la fac, et est vendeuse dans un magasin de jouets. Mais les études aux Etats-Unis coûtant cher, elle cherche à retourner en France pour la rentrée scolaire suivante. « J’avais fait un test débile me disant de faire du commerce, j’ai vu que fallait faire une prepa, j’ai cherché laquelle était la meilleure et la première prepa publique était celle d’H4, et c’est en cherchant sur leur site que j’ai vu le CPES ! Je connaissais pas du tout Henri IV et son prestige, et c’est tant mieux car si ça avait été le cas je me serais autocensurée ». Lena postule donc au CPES et est acceptée ! La voilà donc à Paris en septembre 2014, dans la filière SESJ.
Au début, Lena est un peu intimidée par Paris, elle n’y était allée qu’une fois, deux mois avant son entrée au CPES, pour se rendre au CROUS, et n’avait pas eu une très bonne impression de la ville. Mais une fois cpessienne et habitante de la Cité U, elle change d’avis. « C’était très cool et on était pris par la main pour s’intégrer dans Paris, le BDE proposait des soirées à des prix abordables et le programme culturel nous emmenait au théâtre, autrement j’aurais pas su par où commencer dans la capitale ». Cependant, l’écart de niveau entre son lycée et le CPES l’impressionne : « je me sentais vraiment hyper inculte, en maths j’étais hyper larguée et j’avais l’impression que les autres connaissaient déjà tout donc je me suis prise une claque ». N’étant pas très forte pour apprendre par cœur et tout recracher ensuite, une nouvelle insécurité apparaît : « ça reste H4, yavait une discrimination sur le langage et la connaissance, il fallait parler et écrire avec les mots des classes dominantes et connaître la culture dominante, et j’avais l’impression que mon cerveau tournait normalement sur le moment mais je retranscrivais pas aussi bien les choses, je me suis sentie dévalorisée par rapport à ça ». Malgré tout, elle tient le cap grâce à la solidarité entre étudiants, l’absence de compétition et l’entraide très importante. Un de ses amis du CPES l’aide même en lui donnant des cours particuliers de maths. « J’avais besoin de ça, ça faisait des années que je voulais être avec des personnes qui adoraient les cours, je voulais plus faire genre je m’ennuyais en cours comme je le faisais croire au collège, j’étais trop heureuse d’échanger intellectuellement avec des gens ».
« J’ai adoré ma L1 ! C’est un des meilleurs moments de ma vie ».
En L2, elle se retrouve en socio droit, et le principe d’une double spécialisation lui plait particulièrement : « on commençait à se spécialiser quelque part, j’avais l’impression de commencer à être calée sur certains trucs, et ça permettait d’avoir un double regard ». La socio lui permet donc de faire des enquêtes de terrain, de la pratique, tout en ayant à faire des fiches de lecture plus théoriques. Elle apprécie aussi le droit parce qu’elle le juge moins discriminant que la sociologie : « tout le monde partait d’un même pied en droit, on avait moins d’écarts et de boulets à traîner qu’en socio où les disparités étaient plus importantes ». Etant un tout petit nombre de juristes, moins de dix étudiants à l’époque, elle regrette que les professeurs n’aient pas assez exploité ce petit effectif. Du point de vue social, elle est toujours à la cité U où elle se fait des ami.e.s très proches, qu’elle a gardés aujourd’hui.
En dernière année du CPES, la voici en droit à Dauphine : « la L3 c’était un peu plus compliqué ». Elle n’apprécie pas l’université et encore moins les étudiants qui la fréquentent : « ils étaient très déconnectés et le rapport à l’école était différent du CPES : au CPES y’avait vraiment une logique d’entraide, on était là pour la beauté de la connaissance, le débat, on était passionnés par le fait d’apprendre, alors qu’à Dauphine yavait plutôt une logique carriériste et opportuniste ». Le Certificat Médias et Journalisme qu’elle suit est une bouffée d’air frais, les cours l’intéressent et sont complémentaires. Le cours d’écriture lui permet de revenir à une écriture plus simple : « en droit on t’apprend à écrire avec un style très à part, et là le cours d’écriture journalistique permettait de nous apprendre à communiquer et énoncer les choses clairement, c’était un super exercice même si c’était dur de faire la navette droit/journalisme, ça m’a donné envie de m’inscrire à la croisée des deux ! ».
Lena veut donc poursuivre dans le droit après le CPES, mais n’est pas convaincue par la façon un peu « aride » donc il est enseigné à Dauphine. Elle se rend aux portes ouvertes de SciencePo et est ravie par le projet pédagogique de leur Ecole de droit : « leur pari c’est de prendre des juristes et non juristes, pour leur faire avoir un niveau juridique en deux ans de master, équivalent aux cinq ans de fac, donc le manuel de droit aride chiant et technique tu le lis chez toi, et en cours on fait des cas pratiques. La méthode est inspirée des critical legal studies, c’est-à-dire qu’on resitue le droit au cœur des sciences sociales et politiques, on voit comment le droit s’est construit, comme objet social. Ya vraiment un regard critique sur le droit et ça me plaisait à mort, je voulais faire ça ». Ne postulant nulle part ailleurs et prévoyant de prendre une année off en cas de refus, elle est contente d’y être acceptée.
« J’ai pu rentrer à SciencePo grâce au CPES qui m’a formée, autrement ils ne m’auraient jamais regardée »
En master de droit économique, l’enseignement est très stimulant, elle suit par exemple un cours de philosophie du droit des contrats, et l’ouverture internationale est un vrai plus, le choix étant laissé aux étudiants de suivre les cours en anglais ou en français. Elle fait une césure entre son M1 et son M2, et part six mois en échange à NYU, l’université de New York. « C’était le meilleur enseignement de ma vie, la qualité de l’enseignement était folle ! On prenait les cours qu’on voulait indépendamment de toute logique carriériste donc c’était juste des cours kiffant ». Elle suit par exemple un cours de droit des médias et de droit de l’art, qui lui permettent de se rendre compte de tous les biais dont elle n’avait pas conscience, de beaucoup de choses considérées comme acquises mais largement discutables, ce qui l’enrichit grandement. De plus, ces six mois lui donnent envie de faire davantage de droit des médias et de droit lié à l’expression. Elle poursuit donc sa césure avec six autres mois en cabinet d’avocats (BAGSavocats), spécialisé en droit de la presse et des médias. Si les professionnels qui l’y accueillent et ses maîtres de stage sont très avenants et dans une logique pédagogique, elle n’est cependant pas sûre de vouloir être avocate. Au cours de son M2 « global governance studies » très orienté sur les droits humains internationaux, elle décide de faire son mémoire sur la liberté d’expression, sentant que c’est ce qui l’intéresse et ce dans quoi elle souhaite s’orienter.
A sa sortie de master, elle postule à une offre de poste au CSA, à la direction du service juridique, mais elle ne vit pas très bien l’entretien. Un peu démoralisée parce que ce poste concordait avec ses appétences pour les questions humaines et sociales et l’expression, elle décide d’en apprendre plus sur le côté audiovisuel. Elle rentre donc dans le master droit des médias en alternance à Assas. « Les gens étaient passionnés de ciné, ils avaient plein de centres d’intérêt, c’était cool ! J’étais surtout là pas tant pour les cours mais pour l’alternance ! » Lena se retrouve ainsi alternante à la direction de la diversité de France Télévisions. « Ça se passe super bien, je travaille sur les questions de représentation des droits des femmes dans les médias, et sur la question de la représentation de la société française… Ça me conforte dans l’idée que c’est ce que je veux faire ! ».
« Ça passe par des trucs de fond, le fait de faire des études, trouver des angles, des méthodos, écrire des rapports… Il faut les aider à s’engager au moyen de chartes, et on les aide à la rédaction de celles-ci, on propose des éléments de guide, on fait appliquer une grille de lecture pour les fictions non stéréotypées sur le droit des femmes par exemple… ».
Nous voici en 2021, et Lena sort de ce deuxième master. Stressée de se retrouver sans rien, elle décide de préparer le barreau : « j’ai commencé à le préparer quand j’étais encore en cours et en alternance en même temps, c’était beaucoup trop, c’était une grosse erreur, je n’ai pas eu l’écrit ». En parallèle, elle postule tout de même à des offres d’emploi, dans un premier temps dans le secteur juridique uniquement : « au début j’osais pas regarder les offres ailleurs qu’en droit, me disant que j’allais pas être prise, alors que si ! J’ai osé candidater à une offre au CSA de nouveau, mais au département cohésion sociale ! C’était le job de mes rêves et je l’ai eu, j’ai eu beaucoup de chances ».
Ce travail lui permet ainsi d’allier toutes les thématiques qu’elle aime et sur lesquelles elle a déjà pu travailler : la télévision française du point de vue régulateur, en alternant l’instruction des saisines et des études quantitatives et qualitatives.
Au quotidien, Lena distingue deux volets dans son métier. Un volet de « gendarme », au sens où elle participe au contrôle de conformité des chaînes de télé et de radio à leurs obligations légales, notamment lorsque les gens portent plainte pour des séquences précises, qu’il faut analyser. Il s’agit de faire appliquer la loi aux chaînes et déterminer s’il y a un manquement juridique. Il y a aussi un volet de régulation douce : davantage dans l’accompagnement des médias audiovisuels, à savoir accompagner les chaînes vers un meilleur traitement des questions touchant à la discrimination. « Ça passe par des trucs de fond, le fait de faire des études, trouver des angles, des méthodos, écrire des rapports… Il faut les aider à s’engager au moyen de chartes, et on les aide à la rédaction de celles-ci, on propose des éléments de guide, on fait appliquer une grille de lecture pour les fictions non stéréotypées sur le droit des femmes par exemple... ».
Lena se plait énormément dans son travail, et n’a pas d’autres perspectives pour l’instant que de continuer de s’y épanouir, ce que nous lui souhaitons, comme à vous tous ! <3