Microphone qui grésille et caméra qui coupe dans les premières minutes, c’est le prix à payer pour joindre Philine Moucheront à Bouar en République Centrafricaine : « désolée ma connexion est très aléatoire ici », et c’est sans regret tant son témoignage est précieux pour celles et ceux qui souhaitent se diriger vers l’humanitaire.
Pour toute question, crise existentielle ou recherche d’âme sœur pour vous guider après le CPES, CPES-PSL Alumni est là pour vous aider ! Philine a d’ailleurs bien insisté : n’hésitez surtout pas à la contacter si son parcours vous intéresse ‼ Envoyez lui un mail ou écrivez-nous pour qu’on vous donne son numéro de téléphone 🙂
Originaire de banlieue parisienne, Philine sait dès son entrée au CPES qu’elle veut travailler dans le secteur associatif et qu’il faut pour cela étudier la sociologie et les sciences politiques :
“ma professeure de SES me conseillait vivement d’aller en classe prépa mais, le jour où je suis allée aux journées portes ouverte de Henri IV, j’ai compris que ce n’était pas pour moi. C’était effrayant de voir que dans mon lycée nous avions uniquement préparé le bac alors que les autres élèves pensaient déjà à l’après ».
Elle est acceptée in extremis au CPES, où elle rentre en SESJ option Droit, et poursuit sa L3 en sciences sociales et politiques. « Ces trois années m’ont données des outils solides pour travailler, un esprit de synthèse et d’analyse qui me serviront professionnellement toute ma vie. L’ouverture culturelle aussi était incroyable, je n’avais pas l’habitude de fréquenter les musées et les théâtres. J’ai rencontré des personnes incroyables, tant parmi les professeurs que parmi les élèves. Mais l’intégration à Henri IV a été difficile : je n’avais pas le même niveau, en maths j’étais complètement larguée, j’avais l’impression de ne pas avoir le même bagage culturel que les autres, donc la charge de travail était très conséquente pour moi. »
C’est pour ces raisons qu’en sortant du CPES, Philine a besoin de changer d’air, de se concentrer sur elle pour savoir vers quoi elle se dirige : « J’avais arrêté toutes mes activités extrascolaires, j’avais quitté les associations dans lesquelles j’étais au lycée, j’ai donc pris cette année pour moi et conforter mon idée que c’était bien l’humanitaire qui me plaisait ». Elle effectue un tour d’Asie en passant par l’Australie, puis se rend au Liban travailler pour une ONG locale. « Je suis ravie d’avoir fait cette année de césure en sortant de ma licence, parce qu’après mon master je n’aurais pas pu la faire. Il vaut mieux faire une année de césure après sa licence ou entre ses deux années de master, afin de s’engager dans une association ou ONG directement après son master car c’est à ce moment qu’on a un projet professionnel et qu’on intéresse les recruteurs. Cette année de césure m’a permis d’expérimenter l’expatriation et de me rassurer dans mon choix : j’ai compris que je voulais toujours faire de l’humanitaire ».
Philine, parée d’outils théoriques après le CPES, cherche alors un master davantage professionnalisant. Elle découvre le master de l’IRIS SUP’
: « L’avantage du master était de passer trois jours en ONG et deux jours à l’école. On peut donc faire une alternance, on multiplie les expériences professionnelles, c’est vraiment une porte ouverte sur le monde des ONG et des associations. J’avais aussi postulé à une université à Genève qui était davantage axée sur la diplomatie internationale, mais c’est très naturellement que j’ai choisi l’IRIS SUP’ ».
Le parcours se divise en une année de relations internationales assez généraliste et une deuxième année de spécialité qu’il faut choisir entre gestion de programme et de développement humanitaire (la section de Philine), géopolitique pure, géopolitique prospective, sécurité défense… le tout axé sur les relations internationales. Les professeurs sont supplantés par des intervenants professionnels : « C’est vraiment utile pour se faire un carnet d’adresses et chercher des stages et ça change beaucoup du système académique, les modalités d’évaluation sont très différentes de ce qu’on peut trouver à PSL ou dans d’autres masters ». L’école est privée mais le diplôme de master est reconnu par l’Etat. Si on le souhaite, on peut passer une équivalence pour obtenir également un diplôme de master d’Université “classique”, ce que j’ai fait. Mais « en général ce n’est pas un frein, et l’école est très reconnue dans le secteur des ONG ».
Divers stages ponctuent alors ses deux années. Elle réalise son premier stage à la Fondation Scelles, qui travaille sur l’exploitation sexuelle avec une partie recherche et plaidoyer, sur les routes de la prostitution. Elle poursuit avec Amnesty international, cette fois dans le pôle de communication et relations presse, avant de s’engager en alternance chez Action contre la Faim (ACF) dans le service ressources humaines et formation. « Je gérais les formations des expatriés, c’était vraiment de la gestion administrative et logistique assez concrète qu’on peut être amené à faire sur le terrain plus tard. Cette alternance permettait vraiment au stage et à l’école de se compléter. Il faut bien choisir son stage car c’est ça qui fait la valeur du diplôme. »
Dans ce secteur, les langues sont très importantes : il faut parler anglais, français et les autres langues parlées déterminent en partie les régions dans lesquelles on va se déployer. « Ce qui est pratique, c’est la connaissance des dialectes parce que sur le terrain ça facilite beaucoup la communication avec les locaux, mais quand on est dans les études on n’a pas vraiment idée d’apprendre le sango, langue centrafricaine, alors que personne ne le parle usuellement en France ». Le fait que les langues parlées diffèrent de ce qu’on apprend en études complique la tâche : « J’avais fait un peu d’arabe par exemple, mais c’était de l’arabe littéraire qui n’avait rien à voir avec le langage des réfugiés syriens au Liban ! »
Aujourd’hui, Philine poursuit son activité chez Action contre la Faim en tant que responsable contrats bailleurs, reporting, et communication en République Centrafricaine. Son travail consiste en la coordination entre ACF et les personnes qui financent l’ONG, ce qui se traduit par la rédaction de propositions de projet/rapports, des évaluations de besoin, puis le suivi des projets dans le pays, tout en ayant une bonne connaissance des contextes d’interventions. L’aspect communication est très important dans son travail de coordination avec les acteurs locaux : bailleurs de fonds, autres ONG, Nations unies, autorités locales, experts… Son travail lui permet d’être au contact de cultures différentes : “depuis toute petite, j’ai voulu me lever le matin pour une cause, faire quelque chose qui a du sens. Ce métier m’offre une ouverture incroyable à la diversité des activités humanitaires, c’est très “touche à tout” : on ne s’ennuie jamais, car on fait à la fois de la finance, de la logistique, des ressources humaines, de la gestion de l’eau, de la sécurité alimentaire, de la santé … Je vis ce travail comme une chance immense, c’est très enrichissant. D’autre part, la vie en mission est parfois fatigante et stressante, et il est parfois difficile pour Philine de vivre loin de ses proches : “On perd évidemment des moments importants, des fêtes de Noël ou d’anniversaire, mais je le mets en perspective avec le fait que je vis d’autres choses. Il faut évidemment avoir en tête cet aspect du travail humanitaire quand on s’engage en mission. On a tout de même un break tous les trois mois pour rentrer chez soi.”
Dans le futur, Philine n’exclut pas de suivre d’autre formation pour avoir une expertise en plus : “la formation que j’ai suivie et les postes que j’ai occupé sont très généralistes : je touche à tout mais je ne suis pas vraiment spécialiste de quelque chose, c’est le propre des études au CPES aussi. Une formation en plus me permettrait donc d’obtenir une expertise et de se spécialiser dans un secteur d’intervention, afin d’éviter de survoler tous les sujets. C’est difficile entre 18 et 25 ans de se dire qu’on doit choisir un domaine et y travailler toute sa vie ! ”