Depuis un an, le phénomène est indéniable. La chanteuse américaine, qui vient de fêter ses 34 ans, est partout. Sa tournée The Eras Tour bat tous les records et il est difficile de passer 5 minutes sur les réseaux sociaux sans entendre parler d’elle. Expliquons les raisons de cet enthousiasme planétaire.
The American Dream
Taylor Swift, c’est « Miss Americana », une petite Américaine que rien ne destinait a priori à devenir la plus grande popstar de notre époque. Personne dans sa famille ne travaille dans l’industrie musicale, mais elle sait dès sa petite enfance qu’elle veut faire de la musique. Alors, elle prend sa guitare, gribouille des textes dans ses journaux intimes, et se produit où on veut bien d’elle : au bal de promo de son lycée, dans des petits festivals locaux de country et même dans des cafés.
À 16 ans, elle sort son premier album, et c’est le début d’une folle aventure. Elle devient une star naissante de la musique country. Elle incarne la figure d’une véritable grande sœur qui se montre sensible et vulnérable dans des textes aux mélodies entraînantes. Elle prend un tournant pop avec ses albums suivants, et parfois même folk.
Dès le début des années 2010, elle devient une artiste incontournable. Elle multiplie les records, ramasse les récompenses par dizaines, devient une figure médiatique majeure. C’est l’idole des jeunes, qui grandit avec eux. Elle forme des amitiés avec d’autres stars de son âge, comme Selena Gomez ou Gigi Hadid, et devient la confidente que les ados rêveraient d’avoir.
Le sexisme habituel
Très jeune femme à fort succès, Taylor Swift n’échappe pas aux vices de l’industrie et des médias, et devient vite la cible de nombreuses critiques. Ses romances sont publiques, avec des célébrités telles que Joe Jonas (des Jonas Brothers) ou Harry Styles (des One Direction), et elle est bientôt baptisée de serial dater, d’autant plus que ses chansons parlent, pourtant discrètement, de ses propres histoires. Son image de petite fille parfaite est détruite : Taylor est devenue une briseuse de cœur, qui enchaîne les hommes et les utilise pour promouvoir ses chansons. Les médias créent un récit où Taylor est le problème, en oubliant de préciser que dans plusieurs de ses relations, la jeune chanteuse est en position de faiblesse, car bien plus jeune. Elle a neuf ans de moins que l’acteur Jake Gyllenhaal (sujet sur lequel elle revient dans All Too Well) et 12 ans de moins que le chanteur John Mayer (thème central de sa chanson Dear John). Très vite, chacune de ses relations est sexualisée, y compris ses relations amicales avec son groupe de copines, comme l’actrice Dianna Agron (Glee) ou la mannequin Karlie Kloss. Toutes ses actions sont scrutées, et son image exploitée, voire décrédibilisée.
Sa célèbre querelle avec le couple Kanye West-Kim Kardashian commence en 2009, alors que le rappeur l’interrompt sur scène pendant une remise de prix pour annoncer que Beyoncé méritait de gagner la récompense. Après de nombreuses excuses de West, Taylor le pardonne et les deux stars se disent même amis en 2015. En 2016 la situation bascule à nouveau, alors que West traite Taylor de “bitch” dans une chanson et que Kim Kardashian poste une vidéo enregistrée à l’insu de la chanteuse qui laisse entendre que cette dernière avait donné son accord (des années plus tard, la vidéo sort dans son entièreté et il est confirmé que ce n’était pas le cas). Dans un total retournement de stigmate, Taylor se fait cancel. Elle est traitée de manipulatrice par les médias, et subit des vagues de haine sur les réseaux sociaux.
Taylor disparaît pendant un temps avant de revenir sur le devant de la scène avec son album de revanche Reputation, et embarque sur sa tournée la plus ambitieuse jusque-là. Elle enchaîne les discours féministes et les déclarations courageuses. Elle n’hésite pas à dénoncer l’industrie dont elle fait partie, et à s’insurger contre les traitements dont elle et de nombreuses femmes sont victimes. Sa vie personnelle devient alors plus stable, et ses albums suivants le reflètent. La fin de la guerre des médias contre Taylor Swift ? On y a cru. Alors que la chanteuse affiche depuis quelques mois sa nouvelle relation avec une star du football américain, Travis Kelce, les campagnes de haine reprennent de plus belle. L’artiste distrait le sportif, le détourne de ses matchs : s’il perd c’est de sa faute à elle, s’il gagne alors Taylor l’utilise pour une campagne marketing. Tandis que la NFL (National Football League) se réjouit de la nouvelle audience qu’apporte la chanteuse, les équipes adverses n’hésitent pas à brûler des portraits de la chanteuse avant les matchs. Heureusement, la jeune femme semble avoir pris de la distance vis-à-vis de ces comportements : elle se cache moins, ne dissimule pas son bonheur, et profite de la pause dans sa tournée mondiale pour soutenir son nouveau compagnon, avant de mettre le feu à l’Asie et l’Europe dans quelques mois
Expliquer la frénésie
Taylor Swift dit tout haut ce que l’on pense tout bas, elle met en mélodie nos émotions les plus contenues. C’est une parolière de génie. Ces textes sont à la fois des poèmes lyriques et des remarques criantes de réalisme. Taylor explicite mélodieusement la perspective d’une ado qui a le cœur brisé (Teardrops On My Guitare), celle d’une jeune femme qui en a marre de subir le patriarcat (The Man), qui a un crush non réciproque (You Belong With Me), ou qui se fait trahir par une amie (The Is Why We Can’t Have Nice Things). Elle a ce talent particulier de décrire l’expérience humaine avec une franchise bouleversante, tant et si bien qu’on trouvera presque toujours une chanson qui correspond à ce que l’on ressent.
C’est aussi un génie du marketing. Les néophytes s’étonnent souvent de constater que la chanteuse a construit une véritable communauté de fans autour d’elle, plus que n’importe quel autre artiste sur Terre. Taylor a construit un véritable univers parallèle dans lequel se plongent les fans pour échapper à leur quotidien. Ses dix albums sont associés au terme de « era » : chacun représente une ère de sa vie, comme les tomes d’une saga littéraire (on parlera par exemple de la Midnights Era pour décrire les années 2021-2022). Dans cet univers swiftien, on retrouve aussi les easter eggs, des indices que la chanteuse dissimule dans ses chansons, ses clips, ses posts Instagram, pour annoncer ses futures chansons ou albums. À chaque indice, de véritables chasses au trésors sont menées par les swifties.
La Taylor’s Version
Alors que son ancien producteur l’empêche de racheter ses Masters en 2019, Taylor prend la décision la plus stratégique de sa carrière : réenregistrer tous ses anciens albums pour en posséder les droits. C’est la naissance de la Taylor’s Version : les six premiers albums de la chanteuse connaissent une nouvelle version, presque identique à la première mais comprenant des chansons additionnelles. Fearless (Taylor’s Version) est le premier à ressortir en 2021. S’ensuivent trois autres entre 2021 et 2023, ainsi qu’un nouvel album en 2022, qui cartonne, avec des morceaux déjà cultes (Karma, Anti-Hero). Il en reste deux sur la liste, que les fans attendent avec impatience. Taylor a repris ce qui lui appartenait, et devient un véritable role-model féministe qui se bat pour son travail et n’a pas peur de s’opposer aux géants du milieu. Pourquoi un tel engouement autour de Taylor Swift ? Parce que Taylor nous comprend et nous ressemble, parce qu’elle est à la fois une jeune femme au cœur fragile et une girlboss qui sait se défendre. Parce qu’elle a beau être on top of the world, elle trouve toujours le temps de se montrer généreuse et reconnaissante envers ses fans et les personnes autour d’elle. Parce qu’elle nous rappelle de prendre notre défense, de ne pas nous laisser marcher dessus, et de se battre pour nos rêves. Parce qu’elle est partout, qu’elle n’a pas fini de dominer la scène musicale.