Cadavre exquis: Episode 2

Deuxième épisode de ce cadavre-exquis, sous la jolie plume de Lika Mangelaire. Un grand merci à elle ! Si vous voulez participer à ce récit collaboratif, n’hésitez pas à écrire au journal (cpes.journal@gmail.com). Belle lecture !

(S)ombre

00h00. L’horloge de la chambre d’amis sonne. Mi-éveillé, mi-endormi, je fais doucement rouler mon corps sous les draps jusqu’à ce que mes yeux puissent voir l’extérieur par la fenêtre. Minuit, mon œil aveuglé par l’atmosphère sombre capte un rai de lumière diffusé par un lampadaire de l’extérieur.

Je transpire. Je sens la gouttelette de sueur descendue d’un cheveu glisser sur ma tempe, se balancer sur le bord de mon menton. Tombe la gouttelette, puis se dépose au creux de ma clavicule pour continuer son chemin caressant mon torse, mon ventre, s’arrêtant sur le bord de mon pantalon. Elle disparaît dans la chaleur de la couette alors que je me retourne de l’autre côté. Je ferme les yeux.

03h30. Mes jambes sortent du lit, mes pieds nus effleurent le sol froid. J’enfile une chaussette. Pose le pied, soupire. Enfile l’autre chaussette.

Dans le salon, la corbeille de fruits me fait de l’œil. Pommes, bananes, melon, citrons créent un visage fin dans le verre bleuté du récipient. Raisins.

Il faut que j’éteigne ma tête.

03h54. Mon pied se lève, s’abaisse, se lève, je me baisse. Je ramasse le raisin qui a roulé sous la table. Mon pied s’abaisse. Le raisin est posé sur la table, il cache en partie le dessin de la nappe, en forme un autre. La grappe terminée, je m’agrippe au bord de la chaise, je dois aller dans les vignes, mon manteau, mes chaussures, il faut les lacer, ouvrir la porte et sortir, marcher dans la nuit éclairée par les lampadaires, lire les panneaux, trouver la direction, est-ce que je sais toujours comment y aller, la nuit il n’y aura personne dans les vignes, mais peut-être qu’il y aura quelqu’un.

J’ai besoin

de quelqu’un

pour m’aider à éteindre ma tête.

04h17. Je fais avancer mon corps dans la rue, ma tête n’en fait qu’à sa tête. Je me trompe de chemin, trois fois et quand je trouve le bon, je fais demi-tour, puis un tour complet et.

Je fais avancer mon corps.

Je marche longtemps, j’avance, et s’il n’y avait personne là-bas et s’il y avait quelqu’un et si elle était là. Je recule, à une heure du matin les règes sont vides, j’ai envie de manger des raisins, j’en trouverai sûrement là-bas, je ne pense pas que j’ai le droit de me servir en raisins sans autorisation. Je reprends la route, j’ai toujours trouvé qu’une grappe de raisins, c’était beau, est-ce que tout le monde trouve ça beau, je ne sais pas, mais moi je trouve ça beau une grappe de raisins, si tu tiens la grappe par le haut entre ton pouce et ton index, si tu regardes les raisins qui descendent le long de la branche, plus tu baisses les yeux, moins il y’en aura, plus tu lèves les yeux, plus il y en aura, les raisins c’est comme les nuages quand tu lèves les yeux vers le ciel.

04h57. Je suis dans les vignes depuis un long moment. C’est vide. Il fait sombre et froid, je grelotte. Un bruit, je me retourne vers la maison de la propriété.

5h30 ? Une ombre est devant moi, elle me regarde,

comme ci, comme ça

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Es-tu un djinn ?

Par Lika Mangelaire.