Face à l’inaction politique en matière de climat, les efforts individuels quotidiens se multiplient avec l’espoir que peut-être, si tout le monde s’y met, les choses changeront. Est-ce pour apaiser notre conscience que nous trions nos pots de yaourts ou par conviction profonde d’aider l’espèce humaine ? Suivons-nous en achetant des brosses à dent en bambou un impératif catégorique kantien qui permettrait – si la maxime de notre action était généralisée – de sauver l’humanité ? CPEculations n’a pas la réponse à ces questions, mais peut faire un point sur l’utilité – ou l’inutilité – de deux actions quotidiennes que vous pensez bénéfiques au bien-être de l’humanité
1. le recyclage
Bien que 72% des emballages ménagers sont recyclés aujourd’hui (soit 54 kg par habitant et par an), le plastique n’a lui un taux de recyclage que de 30%, alors qu’il représente un cinquième de nos poubelles de tri. Le plastique représente l’enjeu problématique du recyclage, car si le papier et le carton sont recyclés à un taux élevé de 72%, ils ne sont malheureusement pas responsables de la pollution dramatique de nos océans.
Après avoir été mis dans la poubelle de tri, le plastique a trois fins de vie possibles : être mis en décharge, être brûlé pour produire de l’énergie ou recyclé dans de nouveaux plastiques. Et en France, c’est la deuxième solution, la valorisation énergétique qui est la plus utilisée (44% de nos déchets), suivie de la décharge (31%), et le 25% restant est en effet recyclé.
En résumé, face au faible taux de recyclage actuel (bien qu’en augmentation), mieux vaut simplement ne pas acheter d’emballages plastiques (notamment les barquettes de traiteur et plastiques de ce type), et privilégier par exemple les produits en vrac, plutôt que d’acheter du plastique en se disant « il sera recyclé, tout va bien ! ».
2. le stockage « cloud » et le numérique
Le numérique apparaît comme la solution magique pour avoir un comportement « écolo » dans bien trop de situations de la vie courante. Combien de fois avons-nous entendu « pas besoin d’imprimer le document, on pense à la forêt ! » dans nos milieux scolaires ? Pourtant, si le numérique semble en apparence propre (nos documents seraient gardés comme dans des « nuages » avec les systèmes de stockage Cloud, un mail éviterait de couper un arbre pour partager un document, etc), la réalité derrière est bien plus complexe.
Pour ce qui est de l’impression, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) a calculé qu’au delà de 15 minutes consacrées à la lecture d’un document de 4 pages, mieux vaut l’imprimer (en noir et blanc, recto-verso, toujours).
Pour les mails, l’ADEME estime que l’envoi d’un mail de 1Mo (c’est-à-dire avec une petite pièce-jointe) vaut environ 3 grammes d’équivalent CO2 (soit 25 minutes d’utilisation d’une ampoule 60 W). En outre, le stockage des mails pose aussi problème : 1000 mails stockés pendant un an sur un serveur émettent l’équivalent d’1 kg de CO2 (soit l’équivalent de la production de 100 feuilles de papier).
À savoir ! : une heure passée chaque jour sur son téléphone à regarder des vidéos génère 1250 kg de CO2 par an … Alors allez ouvrir un livre comme disait votre grand-mère.
Enfin, la question épineuse des « clouds » : s’ils permettent une réduction de l’empreinte carbone liée au stockage des documents (notamment pour les entreprises), ils n’en sont pas « verts » pour autant. En effet, les besoins énergétiques de ces infrastructures de stockage sont colossaux : ils doivent en permanence être refroidis (par des systèmes de climatisation dont il est inutile de rappeler l’aspect polluant) mais doivent également être « hyper-redondants ». Cela signifie que si l’un des systèmes tombe en panne, les autres doivent pouvoir assurer la disponibilité des données immédiatement en relais (parce que nous voulons avoir accès à nos cours sur des drives instantanément), ce qui consomme beaucoup d’énergie.
En résumé, il ne faut pas jeter le numérique avec l’eau du bain. Certes, il permet des économies à échelle globale; mais à échelle individuelle, c’est la logique du « moins est mieux » qui prime. En d’autres termes, il ne s’agit pas de rejeter toute forme de cloud, mais de ne pas y stocker des données inutiles (comme des photos de famille datant de 2012 par exemple) pour y privilégier un disque dur externe.
1250kg CO2/an pour 1h de streaming par jour, les chiffres sont faux. J’imagine que ce chiffrage provient du chiffrage 2019 du shift project (depuis corrigé), qui donnait 3,2kg/h stream. les derniers rapports (IEA, ADEME) de 2022 chiffrent respectivement à 1,3g/h et 27g/h, soit 0,5kg/an et 10 kg/an, incomparable avec le premier chiffre.