Entre appréciation et appropriation culturelle la ligne est fine

Tribune

Dénoncer des actes racistes est devenu courant avec l’avènement des réseaux sociaux. Cela a permis aux personnes racisées de s’exprimer sur un sujet qui leur est propre : l’appropriation culturelle. 

“L’appropriation culturelle, c’est lorsqu’un emprunt entre les cultures s’inscrit dans un contexte de domination.”  Éric Fassin

Si certains considèrent que l’appropriation culturelle n’a de sens car il ne donne lieu qu’au communautarisme, d’autres soulèvent l’importance du respect des cultures propres à des communautés. Les tresses en sont l’exemple adéquat : le phénomène, observé sur la plateforme Tik Tok cet été, a pris une grande envergure. Une partie de la communauté noire, principale touchée dans cette histoire, a exprimé son mécontentement vis-à-vis de l’appropriation de cette coiffure. Selon elle, le phénomène de mode n’a de sens puisque les tresses n’étaient pas uniquement un élément esthétique pour les noirs. Désormais, l’utilisation de cette coiffure par d’autres, qui a pour seul but l’esthétique, semble déranger. 

À l’inverse, l’appréciation culturelle permet la découverte de nouvelles cultures par la connaissance et l’acceptation d’autrui. On ne cherche pas à dicter ce qui est beau, mais voir ce qui est beau selon les différentes cultures. Contrairement à l’appropriation culturelle, elle ne s’inscrit pas dans un contexte de domination. 

Cette définition est insuffisante. En effet, elle ne permet pas de s’accorder sur ce qui relève de l’appréciation ou de l’appropriation culturelle. L’idée de domination qui différencie les deux notions doit être définie, sinon qui serait apte à décider si les tresses sont ou non une appropriation culturelle. 

L’appréciation culturelle peut être vue dans le cadre d’un film réalisé par John Waters “Hairspray”. C’est ce que nous dit Bell Hooks dans son ouvrage “ Eating the Other : Desire and Resistance ” : 

“ Traci dares to support racial integration. In this film, the longing and desire whites express for contact with black culture is coupled with the recognition of the culture’s value.

Pour continuer, reprenons les mots de Bell Hooks qui explicitent ce phénomène : “ Eating the Other ”. Auparavant, l’apparence entière des noirs était ridiculisée ; ces actes de racisme se traduisent notamment par le blackface qui avait pour but d’utiliser les particularités des noirs pour les tourner au ridicule. Cependant, depuis l’évolution des sociétés et cet attrait pour l’apparence des noirs, ces derniers remarquent que leurs particularités sont valorisées. De cette manière, les autres ethnies s’emparent de caractéristiques qui ont été pourtant l’objet de multiples critiques. Comment concevoir que ces personnes qui n’ont pas subi les mêmes agressions, critiques, méfaits s’emparent de ces particularités dès l’apparition d’une mode ? Peuvent-elles s’approprier ces caractéristiques sans connaître les difficultés qu’ont rencontrées les personnes noires ? 

Rien ne les en empêche réellement, mais il faudrait au moins qu’elles puissent entendre les raisons pour lesquelles les personnes noires contestent autant cette pratique. Porter des tresses ne relève pas de l’appréciation mais de l’appropriation ; si l’on veut apprécier la culture qui entoure les tresses, il faut mettre en valeur les tresses sur les personnes noires avant tout ou au moins se renseigner sur l’histoire qui entoure cette coiffure. Sans cela, nous nous confrontons à ce que Bell Hooks souligne : 

White cultural appropriation of black culture threatens to decontextualize and thereby erase knowledge of the specific historical and social context of black experience from which cultural productions and distinct black styles emerge. ”

Ces oppositions ethniques ne s’achèveront pas en obstruant la parole des personnes racisées, les personnes principalement touchées. En décrédibilisant leur discours sans en chercher leur fondement, on ne fait qu’accroître la séparation subsistante au sein même des communautés, et c’est notamment cela qui renforce le communautarisme pourtant critiqué. 

Selon certains, cette logique laisserait penser que les personnes noires n’auraient plus le droit également de se lisser les cheveux car cela serait également une appropriation culturelle. Si les personnes noires se lissent les cheveux, on ne peut pas considérer que cet acte serve uniquement à un intérêt esthétique ; les personnes noires, victimes de racisme, ont eu l’obligation de s’adapter et d’adopter les codes des personnes blanches. Il s’agit d’un moyen d’assimilation pour certains : une manière de se conformer aux attentes de la culture dominante. On s’inscrit bel et bien dans un contexte de domination mais ce n’est pas un moyen de dominer l’autre culture. Se lisser les cheveux n’est pas un simple accessoire pour les personnes noires mais une nécessité pour correspondre à la société qui les entoure. Les tresses ne sont qu’un exemple. Il existe bien d’autres types d’appropriations culturelles. Le port du kimono par Katy Perry, les codes amérindiens empruntés par Victoria Secret lors d’un défilé en 2015 en sont d’autres exemples. 

Katy Perry en Geïsha aux American Music Awards de 2013

Ces actes paraissent innocents mais ils contribuent en un certain sens au racisme systémique selon lequel les critères de beauté (ou plus globalement les codes de société) sont mis en avant par les personnes blanches, la culture dominante des sociétés passées et contemporaines. Cette dernière s’impose aux autres et va jusqu’à les effacer ; la preuve en est, personne ne s’interroge sur l’histoire de cette coiffure ou les raisons pour lesquelles les personnes racisées s’exclament sur le sujet. L’expression “ racines noires et fruits blancs ” de l’historien Reebee Garofalo montre que de nombreuses personnes blanches sont bénéficiaires de cet emprunt de la culture noire. Pourtant, certains rejettent l’idée d’un racisme sous-jacent où ce sont les blancs qui décident de ce qu’il faut valoriser ou non. En parallèle, d’autres reconnaissent qu’ils sont privilégiés car ils ont eu un énorme succès pour des actions faites par des personnes noires auparavant.   

Effacer la culture des personnes racisées par l’appropriation est une violence se fondant sur les rapports de domination. Il peut sembler difficile de comprendre réellement les difficultés que traversent une minorité sociale sans y faire face mais cette incompréhension masque des rapports de force intrinsèques aux groupes sociaux. Laisser la parole aux minorités pour se faire entendre et respecter leurs demandes permettraient d’outrepasser ce rapport de domination.

Il faut apprécier et non s’approprier. 

Auteur : Jordan Stalin Joseph Michael

2 commentaires sur “Entre appréciation et appropriation culturelle la ligne est fine”

  1. Qui a inventé les tresses collées ?
    Autour du Vème siècle, ils ont apporté leur pierre à l’histoire de la tresse : ces tribus germaniques et celtiques du Nord de l’Europe arboraient en effet barbe et cheveux longs, qu’ils tressaient vers l’arrière de la tête et sur les côtés du visage.

    1. Vous êtes débiles ou quoi vous avez même pas fait de recherche et copier coller les premiers phrase qui apparaît à la recherche sans je te conseille de faire plus de recherche et tu Vera d’où viennent vraiment les tresses et ça vient d’Afrique et pas d’Europe et ça date de la préhistoire

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