Bienvenue ! Sur cette page Web s’inaugure la rubrique « Le vêtement-état d’âme ». Variante de la notion « paysage-état d’âme ».
Comment l’état d’âme, c’est-à-dire les divers contenus mentaux, conscients, inconscients ou encore subconscients, mêlant sensations corporelles, sentiments, émotions et pensées, se reflète par la tenue vestimentaire ? Dans ce premier article, nous allons rapidement explorer. Explorer les champs rendus possibles par ce jeu de mot. Pourquoi parler de « vêtement-état d’âme » ? Pourquoi ne pas tout simplement discuter mode, haute couture et prêt-à-porter ? Débattre Yves Saint Laurent et Raf Simons ?
Le grand Karl Lagerfeld a dit un jour : « Il n’y a plus de mode, rien que des vêtements. » Le maître de Choupette [sa chatte-héritière, unique descendance du K] a sauvé Chanel de l’effondrement en 1983, devenant directeur artistique pour les collections haute couture, prêt-à-porter et accessoires. Il se disait disposer d’une « liberté totale » de création, sans jamais devoir mettre « son nez dans les comptes », c’est-à-dire, sans considérer les diverses contraintes financières et de profitabilité. Il paraîtrait alors immédiat de percevoir en Lagerfeld l’apothéose de la « mode », de la « tendance » : la passion de l’éphémère et du fragile que sont les goûts vestimentaires, sans cesse renouvelés, produits, commercialisés, consommés. La passion de ce phénomène social, de cette pratique industrielle, de cet art, de cette quête infinie de nouveaux arts de vivre.
C’est pourtant lui qui opère la distinction entre « vêtement » et « mode ». En effet, si ces termes sont similaires, ils ne sont pas synonymes. Pendant les manifestations, les CRS faisant régner l’ordre, portent un vêtement qui n’est pas un produit pur de mode. Idem pour les vêtements techniques de travail, des chaussures de sécurité jusqu’au manteau anti-feu. L’industrie de la mode concerne le vêtement et les différents accessoires relatifs à la parure, mais tous les vêtements ne sont pas réciproquement inclus dans celle-ci. Cette distinction révèle une tension sur laquelle nous allons nous pencher dans cette rubrique. La mode se caractérise par l’évolution des goûts vestimentaires relativement aux lieux géographiques et aux époques, et constitue un facteur potentiel de différenciation entre classes sociales. Elle est finalement une modalité d’expression créative. Il peut s’agir entre autres d’expérimenter la plasticité du tissu et démontrer sa richesse, de manifester une esthétique de la couleur, ou encore de porter une revendication politique. Quant au vêtement, il se définit selon le Larousse comme « tout ce qui sert à couvrir le corps humain pour le protéger ; pièce de l’habillement ». Ainsi, nous comprenons bien que ces deux termes n’ont pas la même signification.
C’est pourquoi nous parlerons de « vêtement » : de son rapport, certes, à la fashion industry, mais aussi et surtout de la relation qu’entretient le sujet avec celui-ci. Il s’agira dès lors de réfléchir à la manière dont le vêtement est lié à la sensibilité et à la subjectivité de l’individu qui le porte. Porter un vêtement permet-il d’exprimer sa subjectivité, sa sensibilité ? Dans quelle mesure ? Constitue-t-il une traduction des états d’âme du sujet portant ? Inversement, est-il possible d’extraire du vêtement pris pour lui-même, une quelconque expression ? Est-ce le sujet portant qui s’exprime à travers sa tenue vestimentaire, ou celle-ci qui exprime la subjectivité de celui-là ?
Dessins de Jin Langlais, en inspiration des collections Comme des Garçons Homme Plus Spring/Summer 2020 et 2021 et de la collection Comme des Garçons « Not Making Clothes »
Hâte de lire la suite 🙂