Le temps est à l’honneur comme première idée de demain. Pour savoir si le temps nous tyrannise, trois personnes vont “débattre” pendant 1h. Sur le papier une triplette intéressante pour alimenter la conférence. Antoine Bristielle, le directeur de l’Observatoire de l’opinion, présent pour nous expliquer les résultats obtenus. Bruno Patino, le président d’Arte France et auteur de Submersion, un livre qui interroge l’influence du numérique sur notre rapport au temps, apportait un regard plus philosophique et pessimiste sur la question. Enfin, Virginie van Wassenhove, directrice de recherche en neurosciences et sciences cognitives, représentait les avancées scientifiques . Bien sûr, Nora Hamadi était présente pour diriger le débat.
Nora Hamadi présentait une question issue du sondage1, Bristielle interprétait les résultats puis les deux experts développaient la question.
En général, les questions et le discours portaient sur l’influence du numérique sur nous et sur notre temps. L’arrivée de ces petits écrans dans nos vies rend chaque seconde de notre journée commercialisable. Ils ont développé la notion de l’économie de l’attention conceptualisée par Yves Citton. La création de richesse, de valeur, dépend de l’attention que donnent les consommateurs à un produit. Les réseaux sociaux ou les différentes applications s’inscrivent dans cette dynamique. Leur but est de gagner un maximum de notre attention et alors de notre temps, “le temps est devenu un enjeu économique” affirme Bruno Patino. Après avoir enfoncé cette porte fermée à double tour, ils ont pu aborder un autre sujet du temps : le temps libre. “Au XIX ème siècle, on bossait 4000 heures par an. Aujourd’hui, on est autour de 1500 heures. C’est assez ?” demande Nora aux personnes sur le plateau. Puis, la discussion est venue sur ce qu’on faisait de notre temps libre.
Petit mix express des idées évoqués sur le sujet par les quatre intervenants
“Nous passons en moyenne 6h30 par jour devant des écrans (hors travail et étude), essayez vous de diminuer votre temps ? ”. Nous avons le choix et sommes responsables de cet état. On n’a jamais eu autant de temps libre et on a jamais autant perdu de temps. On manque de temps. On veut plus de temps libre. On ne profite plus du temps, on ne marche plus dans la nature. Trop de temps libre nous éloigne du sens de la vie. Il faudrait ralentir pour mieux prendre le temps et donc en gagner.
Tout de même après ce léger passage culpabilisateur, ils ont évoqué l’accélération du monde. Nous devons cette expression à Hartmut Rosa, un sociologue allemand qui dès 2010 expliquait un paradoxe du monde moderne. Les nouvelles technologies sont supposées nous faire gagner du temps mais en réalité elles nous demandent du temps. Le sociologue pousse sa réflexion plus loin en expliquant que cette accélération du temps rend imprévisible demain et alors pétrifie le temps. Malheureusement, ils ne se sont pas attardés sur cette partie de sa théorie.
Un oubli ?
Après, cette présentation de 1h, nous sommes allés à la rencontre des autres spectateurs. Un mot ressortait, « dommage« . Le sujet était bien, les invités aussi mais dommage car ce n’était pas vraiment un débat, les sujets étaient juste effleurés, il n’existait pas d’échange entre les intervenants. “Surtout, ils ont oublié des sujets importants” considère un festivalier. Si on associe tyrannie du temps et demain, comment faire autrement que penser au changement climatique ? Nous subissons aujourd’hui et nous subirons demain, le fait que nous ne prenons pas le temps de considérer la nature dans nos actions. Le plus tyrannique dans ce sujet, le temps écologique de demain dépend en grande partie d’acteurs qui jusqu’à présent mettent de côté ce souci.
* Pour préparer ce débat, le festival avait mis en ligne un questionnaire permettant de sonder notre rapport au temps. 30 000 personnes ont répondu mais il faut prendre en compte que ce sont les auditeurs de France Culture et Arte.
Sacha Derrien
- *Pour préparer ce débat, le festival avait mis en ligne un questionnaire permettant de sonder notre rapport au temps. 30 000 personnes ont répondu mais il faut prendre en compte que ce sont les auditeurs de France Culture et Arte. ↩︎