Quoi de neuf ? #1

Emilie, des amis, un garçon et ma maman

Emilie s’est mise à pleurer juste devant la tyrolienne. Elle se frottait les yeux et sa manche trop grande humide pendait. Elle ne voulait pas sauter. Tu sais Emilie, si tu ne veux pas on va trouver une solution, mais si tu penses que tu seras contente de l’avoir fait vas-y. Derrière, vingt enfants commencent à entonner “Emilie, Emilie !”. Les autres adultes s’impatientent aussi. Je vais pas la pousser non plus. T’en fais pas Emilie, c’est toi qui décides si tu veux le faire ou pas. Finalement, le monsieur de l’accrobranche est venu et l’a accompagnée. La symbolique du monsieur de l’accrobranche, je ne sais pas trop sur quoi la fixer, mais tu sais Emilie, ça arrive à tout le monde d’être tétanisé devant une tyrolienne, d’avoir sept ans, des manches humides et le nez rouge.

La fatigue, les règles, le doute qui engourdit. J’ai pleuré fort, comme une enfant. Ma mère m’a dit : “Parfois, il pleut” et m’a prise dans ses bras. Elle m’a parlé des saisons et de la pluie qui nourrit le sol. Du temps qu’il fait et qu’il faut pour que la terre s’imprègne de l’eau qui ruisselle, des éclairs qui crépitent dans le nuage et de la neige qui fond au soleil. Ma maman a dit qu’il ne fallait pas envisager les saisons en faiblesses, que ça sonnait creux, qu’il valait mieux vivre avec son temps. Elle m’a raconté la Création, la sensibilité, Isaïe et les cycles. J’oublie ce qu’il y a de doux à se laisser porter par les larmes comme par un courant interne, souvent. C’est que c’est imposant, cette force de la nature qui jaillit en soi. Je pleure pour rien, pour trop plein. Un besoin de délaver, de nourrir tous les moments qui germent des nutriments du sol, d’arroser les rires, les réflexions, les actions, de faire fleurir les gerbes d’enthousiasme. Parfois, il pleut et tant mieux.

Il est arrivé avec sa tête androgyne, le grand-bel enfant. Il est monté dans ma chambre, j’étais descendue en pyjama. Il m’a parlé de lui, je lui ai parlé de moi, on s’est couchés dans mon petit lit avec le tigre sur les draps. On a beaucoup discuté, on a ri. Il veut aller voir un psy pour qu’il lui dise de lâcher prise, ou juste pour lâcher prise. Ça lui fera du bien de déverser médicalement ce qu’il éparpille pour l’instant trop consciencieusement. Le problème de certains intelligents, c’est qu’ils savent trop l’absurde pour s’attacher — ce qui est plutôt comique pour quelqu’un qui doit lâcher prise. Lui, il joue de sa compréhension des choses. Il est malin, il sait comment faire pour que les gens réagissent comme il veut, mais finalement il se retrouve tout seul à jouir des événements prévus. Alors il méprise les prévisions trop faciles, il part en quête d’imprévu, puis ça lui fait peur et il s’arrête devant ce sur quoi il n’a plus envie d’élaborer des mécanismes. Du coup on s’est caressé les bras et les côtes doucement. S’il te plaît ferme ta gueule et ton esprit, qu’on fasse l’amour. 

J’ai dîné avec des amis, ils étaient beaux. Ça m’a fait plaisir de les voir aussi… je dirais pas sereins, parce qu’il y a les études, la famille, les amours, ça fait beaucoup de raisons de pas être serein ça, mais ils étaient bien. C’est ça, il y avait des raisons pour que ça n’aille pas, mais on était ensemble et on était contents. Ça peut paraître bête, mais on était tellement bien que même parler de ce qui rend triste était agréable. On mettait des mots ensemble sur les choses comme si on jouait au scrabble avec nos sentiments, ça nous faisait marrer. On buvait, on parlait, on riait bruyamment, comme on chante trop fort une musique populaire dont on connaît bien les paroles. C’est vrai, ensemble on peut être bêtes, on est assez prévisibles, parfois on ressemble même à des personnages quand on interagit. C’est drôle quand on y pense, on se connaît et on s’aime.

Aspill

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