Pourquoi et pour quoi manifester ?

Dans le cortège contre la réforme des retraites de ce 31 janvier 2023, tout le monde n’était pas venu pour les mêmes raisons : les plus âgés pour défendre ce qui attend leurs enfants et petits-enfants, les moins âgés pour défendre la retraite qui les attend bientôt, et les plus jeunes pour défendre leur avenir et celui de leurs parents. Pourtant, tout le monde était venu avec le même objectif : faire front contre cette réforme qui vise à allonger l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, et allonger la durée de cotisation de 42 ans à 43 ans.

Mais pourquoi manifester contre une réforme allongeant l’âge légal de départ à la retraite de deux ans ? D’un point de vue extérieur, il ne semble pas que la différence entre 62 et 64 ans soit si conséquente : deux ans sur plus de quarante années de travail ne semblent a priori pas insurmontables. Pourtant, ce mardi, il y a avait dans les rues 1,27 millions de personnes d’après le ministère de l’Intérieur et 2,8 millions d’après la CGT : deux années de travail supplémentaire ne semblent finalement pas être un détail.

La première raison qui s’élève contre cette réforme est celle de la fatigue, physique et émotionnelle d’une vie de travail. Car si les personnes ayant des métiers physiquement éprouvants sont les plus directement affectées par la réforme, la fatigue mentale existe aussi. Dans la queue des toilettes du KFC place d’Italie, Gérard*, cadre dans le privé, explique : en ayant commencé à cotiser à 17 ans, il est aujourd’hui fatigué de travailler. Aussi simple que cela, pas de métier physique l’ayant rendu malade, mais une fatigue, un ras-le-bol lié à l’âge : « Il y a un moment où j’ai donné et j’aimerais bien recevoir en retour ». Ainsi, l’impression générale est celle de se faire duper par cette réforme qui arrive sans prévenir pour des gens ayant cotisé toutes leur annuités, et ce depuis un jeune âge. Ce refus est donc aussi un refus de « j’ai toujours cotisé, j’ai travaillé pendant de longues années, j’ai le droit de me retirer maintenant ».

« Il y a un moment où j’ai donné et j’aimerais bien recevoir en retour. »

Gérard, cadre dans le privé

En effet, chez les personnes les plus âgées du cortège, le terme de « droit » revient souvent : c’est un droit que celui de la retraite, un droit à un salaire différé. La retraite est un droit à vivre tranquillement ses vieux jours en ayant un revenu garanti, et un droit à ne plus travailler si l’on est fatigué, et ce en bonne santé. Pour autant, pour la majorité des personnes proche de l’âge (sans réforme) de départ, retraite ne signifie pas inactivité. Au contraire, la retraite est le moment de s’engager dans l’associatif, de voyager, mais également de prendre le temps de s’occuper de sa famille. Pour Marc, ce serait même l’occasion de devenir quasi autonome dans son alimentation ; et cela « sans maladie » ajoute Christine.

Mais alors toutes les personnes qui manifestent contre cette réforme ont-elles simplement hâte d’arrêter de travailler ? Loin de là : certain.e.s manifestant.e.s aiment ou aimaient profondément leur travail, et ont continué à travailler après l’âge auquel ils et elles auraient du partir à la retraite. Pourtant ils et elles sont dans le cortège ce mercredi, au nom du « choix ». Ce mot revient fréquemment dans les discussions : la retraite est un choix de partir – ou pas -, mais un choix qui doit être garanti par la loi.

Alors dans le cortège ce mercredi 31 janvier, c’est une symbolique que l’on défend : même si la réforme comporte quelques points positifs (le minimum de pension à 85% du smic net pour une carrière complète ou la prise en compte du congé parental dans le calcul des droits), elle accentue ce qui semble être un problème de répartition dans la société française. La lutte est donc avant tout celle pour ne pas faire payer les lésés, et ceux qui ont déjà cotisé ce qu’il fallait.

* Tous les prénoms ont été modifiés.

Jeanne PEDEBOY

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