LUNDI ALUMNI #38 : Charles Cocault

Sorti de la première promo du CPES, après une prépa D2 Cachan et deux ans de prépa B/L à Nantes, découvrez le parcours pour le moins atypique de Charles Cocault, qui nous montre que la philosophie peut ouvrir de nombreuses portes !

« En philo, on a assez vite été rassurés (…) en nous disant que si l’on travaillait bien on pouvait intégrer l’ENS sur dossier »

Arrivé en troisième année, il a découvert le CPES un peu par hasard. Il s’intéresse aux travaux de Paul Clavier, professeur de philosophie de l’ENS qui donne les premiers cours de philosophie au CPES. Il intègre une classe (très) réduite de 6 élèves dont la spécialité est la philosophie. C’est une année intéressante, à la fois intellectuellement, mais aussi pour découvrir Paris. Il apprécie le CPES où les cours se passent à la fois à l’ENS, Henri IV et Louis Le Grand : « les cours étaient de qualité, en petits groupes et avec un bon suivi des professeurs, souvent des pointures dans leur domaine (…) mais aussi très variés, : philosophie du langage, de la connaissance, géopolitique ou encore neurosciences, un cours du master de sciences cognitives de l’ENS (Cogmaster) auquel on pouvait assister ».

Si les premières générations à sortir de notre chère formation évoquent souvent une certaine appréhension par rapport au post-CPES et à sa reconnaissance pour postuler aux masters, ça n’a pas vraiment été le cas pour Charles. « En philo, on a assez vite été rassurés (…) en nous disant que si l’on travaillait bien on pouvait intégrer l’ENS sur dossier ». Il se dirige alors vers un master de philosophie contemporaine à l’ENS-EHESS, en travaillant sur les robots et sur l’intelligence artificielle. « J’ai travaillé sur le transhumanisme, les questions liées à l’intelligence artificielle (…) est-ce que l’on peut implanter de la morale dans les algorithmes ? Comment vivre avec des entités non humaines comme les robots, notamment au Japon ? J’ai fait mon mémoire sur le droit des robots ».

Ce champ d’étude lui permet d’allier perspective philosophique et scientifique. Pendant son master, il touche ainsi à du concret. « J’ai travaillé avec un cabinet d’avocats à Paris, pour défendre les droits des robots, réfléchir à leur donner une personnalité juridique. Plus tôt le cadre règlementaire est fait, plus vite les industriels peuvent investir et lancer la recherche et développement (…) on essayait de normaliser ces règles, pour être concurrentiels au niveau européen ».

Outre cela, il rejoint aussi pendant 5 mois un institut médico-éducatif. « On s’est rendu compte que les robots permettaient de faire évoluer beaucoup plus rapidement les personnes autistes, car ils fonctionnent mécaniquement et sont réguliers dans leur comportement et leur voix. Il fallait alors voir avec des infirmières et des psychiatres comment introduire les robots auprès enfants (…) réfléchir à ce qu’est un robot, quelle place on y met, si c’est un simple objet par exemple ».

« Passant de non-humain en non-humain, j’en suis arrivé à des questions sur la nature, d’écologie, de crises climatiques et d’effondrement, j’ai lu beaucoup de physique et de collapsologie »

Toutes ces approches diffèrent de l’image peut-être abstraite que l’on pourrait avoir de la philosophie, « si on s’intéresse à la métaphysique, ça peut être, un peu plus compliqué, mais je pense qu’il y a des objets qui se prêtent plus à des applications concrètes. J’ai fait de la philo pour comprendre le réel et un peu le changer ».

Dans la continuité de son mémoire, Charles décide de tenter l’agrégation, dont il sera admissible, mais il s’intéresse en parallèle à d’autres problématiques : « Passant de non-humain en non-humain, j’en suis arrivé à des questions sur la nature, d’écologie, de crises climatiques et d’effondrement, j’ai lu beaucoup de physique et de collapsologie ». Des questionnements qui l’ont passionné pendant son année, mais qui l’ont aussi touché. « Ça m’a beaucoup occupé, et j’ai arrêté de préparer l’agrégation à l’ENS au bout de 2 mois. J’ai quand même eu les écrits, mais j’avais décroché. Quand on comprend les enjeux de l’effondrement, ça mine le moral. Je suis allé aux oraux sans les avoir vraiment préparés, j’étais déjà en service civique ».

Dans la continuité de son intérêt pour le fonctionnement du monde, il effectue ensuite un mastère en économie circulaire et écologie industrielle, « pour comprendre comment les ingénieurs raisonnent de manière technique face à ça (…) c’est au niveau bac +6, donc il y avait beaucoup de personnes en reconversion, j’étais parmi les plus jeunes mais sans le profil ingénieur. »

En effet, il quitte Paris en cours d’année pour effectuer un service civique dans un chantier participatif où il accueille des volontaires européens. « Je l’ai fait pour changer d’air, ces volontaires travaillaient avec des gens en insertion, sur des chantiers en extérieur ». Dans la continuité de son intérêt pour le fonctionnement du monde, il effectue ensuite un mastère en économie circulaire et écologie industrielle, « pour comprendre comment les ingénieurs raisonnent de manière technique face à ça (…) c’est au niveau bac +6, donc il y avait beaucoup de personnes en reconversion, j’étais parmi les plus jeunes mais sans le profil ingénieur ».

Après cette expérience, il lance un projet de thèse sur la décroissance et l’effondrement, sous la direction de Sophie Roux. Il choisit finalement d’effectuer un stage à Nantes, à l’Institut Mines-Telecom au sein du Collège des Transitions. « Il y avait à la fois des politistes, des économistes, mais aussi tout un pôle agriculture. On cherche à accélérer la transition énergétique. Je devais aller chercher les chefs d’entreprise dans des zones d’activités économiques, pour les faire travailler ensemble, en mutualisant les besoins pour réduire l’impact carbone. On rentrait dans les instituions pour leur montrer comment accélérer la transition. C’était beaucoup de PowerPoint, beaucoup de réunions tard (…) on s’éloignait de la recherche fondamentale, ce qui me plaisait. »

Se repose alors la question de la thèse, qui laisse la possibilité de rester focalisé sur un sujet, et d’enseigner à l’université. Le processus est assez long, sans assurance de débouché. « La thèse, ça te donne un titre qui permet de rentrer dans le circuit universitaire. Ensuite, tu fais un post-doctorat, souvent à l’étranger, tu reviens en France, en étant attaché de recherche (ATER), un statut assez précaire, pendant 3 ou 4 années et ensuite, on peut te proposer un poste de maître de conférences. Ensuite, avec une deuxième thèse, tu passes à un nouveau statut, qui va te permettre à ton tour d’encadrer des thèses. ». Loin d’en nier l’intérêt, il nuance quand même l’image parfois un peu idéalisée que l’on a de la recherche. « Parfois, il faut se trouver un domaine « niche » pour se démarquer (…) il ne faut pas être dupe, il y a des places plus sympas que d’autres, un certain prestige, quelque chose qui n’est finalement pas forcément lié à la philo, à l’université, mais plus à l’être humain, aux relations de pouvoir. »

Au même moment, une opportunité d’enseignement en lycée se présente, sans qu’il ait passé le CAPES. « Je m’étais dit que ce serait bien de travailler ; après l’agrégation, j’ai eu envie de sortir de l’ENS, de voir d’autres choses, sortir des études. Je n’avais jamais vraiment travaillé avant. Ça m’a plu, à mon grand étonnement, je m’étais toujours dit que je ne ferais pas d’enseignement ». L’année dernière, n’ayant pas eu de proposition de poste à temps plein en tant que professeur, il décide de se lancer avec un ami dans une application mobile, Linous. « C’est une application pour faire la biographie des grands-parents en ligne, avec des questions sur le téléphone, des jeux pour faire l’arbre généalogique. On est allé voir les banques, et on a été suivis par un incubateur. Le site est lancé, mais on s’est arrêté là pour l’instant. Continuer, ça demandait d’investir et de tester davantage encore, donc de se lancer à 200% dans le projet. Je garde l’idée ».

Aujourd’hui, de retour dans l’enseignement, Charles hésite entre se retourner vers le circuit universitaire, avec une thèse ou l’agrégation, ou bien se tourner davantage vers le monde de l’entreprise, pour essayer de faire changer les choses à un niveau différent. « Peut-être faire 4-5 ans d’enseignement, puis retravailler en entreprise, et faire une thèse. Si j’en fait une, j’ai envie qu’elle apporte quelque chose, sur les questions d’écologie, d’effondrement ou d’énergie, alors qu’il y a déjà beaucoup d’informations sur le sujet, mon utilité n’est peut-être pas là. Ça reste à voir. »

On lui souhaite bonne chance pour la suite !

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