LUNDI ALUMNI #30 : Corentin Le Bars

Pour célébrer le 30e Lundi Alumni on vous embarque de Montpellier à Saclay avec Corentin Le Bars (promo 2016), doctorant en mathématiques. Découvrez son parcours ainsi que ses précieux conseils qui vous serviront sans aucun doute, que vous soyez en L1, L2 ou L3 !

« Après le bac il y a beaucoup de remises en question, […] on se découvre, notre orgueil est mis à mal. Ce sont des années très dures, j’encourage vraiment les gens à garder une stabilité, à amortir leur sentiment de déracinement : c’est pour ça que j’ai continué à faire les mêmes sports, à lire les mêmes livres, à garder les mêmes centres d’intérêt sans faire table rase de tout »

Si vous vous souvenez de l’article sur Suzanne Vogel, vous connaissez déjà l’importance des grands-mères dans la découverte du CPES ! Alors qu’il était dans un petit lycée près de Montpellier, Corentin apprend l’existence du CPES par sa grand-mère, qui a lu un article à propos de cette nouvelle formation dans Le Monde. Si dans un premier temps son choix d’orientation post-bac se portait sur une prépa BL, pour allier mathématiques, sociologie et philosophie, le CPES lui offrait davantage de libertés dans le choix de cours, puisque le maître mot, comme vous le savez tous, en est « pluridisciplinarité » ! Corentin fait partie de la deuxième promotion du CPES (promo 2016) : « Il n’y avait pas de promos sortantes donc c’était un petit pari d’intégrer ce cursus en ne sachant pas ce que les gens allaient devenir ! » En première année dans la filière sciences, le niveau augmente par rapport au lycée. Il continue tout de même à faire beaucoup de sport en dehors des cours (oui oui, Corentin est la preuve que cela est possible !), du football, de la course mais aussi du tennis de table en compétition au niveau national. Alors que les années au CPES peuvent être dures, il est très important selon lui de garder une certaine stabilité : « après le bac il y a beaucoup de remises en question, […] on se découvre, notre orgueil est mis à mal. Ce sont des années très dures, j’encourage vraiment les gens à garder une stabilité, à amortir leur sentiment de déracinement : c’est pour ça que j’ai continué à faire les mêmes sports, à lire les mêmes livres, à garder les mêmes centres d’intérêt sans faire table rase de tout » ! C’est en appliquant cela que Corentin s’épanouit au CPES.

Il apprécie particulièrement certains cours, notamment la philosophie et les mathématiques, il tentera alors d’ouvrir la filière maths-philo, mais c’est un échec et on lui conseille de garder les mathématiques et de faire de la philosophie à côté. Le voici donc en L2 mathématiques/physique, tout en suivant en option les cours de philosophie des arts et de l’esprit. Il a le sentiment d’entrer davantage dans le vif du sujet : « En L1, on t’apprend à raisonner en insistant sur la méthodologie, alors qu’en L2 on se spécialise vraiment en approfondissant les connaissances, on apprend des choses plus pointues, plus techniques ».

« Je n’avais pas envie d’être enclavé à Palaiseau à l’X, et le côté militaire ne me parlait pas. L’ENS Lyon, en pleine ville, m’attirait bien plus, je pouvais avoir mon appartement tout seul »

C’est ensuite les mathématiques que Corentin choisit en troisième année. Il se retrouve avec huit autres cpessien.ne.s parmi les L3 dauphinois. Il vit bien le passage de cours en petit comité à des cours en amphithéâtre dans une faculté « classique », d’autant que certains cours sont toujours spécifiques aux CPES, comme les cours de mécanique quantique et de physique statistique ou encore la recherche en mathématiques. C’est vraiment à cette dernière qu’il adhère : deux possibilités d’orientation s’offrent à lui. Entre faire un master de mathématiques approfondies ou intégrer une école permettant de faire de la recherche ensuite, Corentin préfère la seconde option. Il passe les concours universitaires de l’X et de l’ENS. Préparé grâce à des oraux blancs avec des professeurs de Dauphine, il choisit finalement l’ENS Lyon qui correspond davantage à ses envies de recherche et d’enseignement supérieur : « Je n’avais pas envie d’être enclavé à Palaiseau à l’X, et le côté militaire ne me parlait pas. L’ENS Lyon, en pleine ville, m’attirait bien plus, je pouvais avoir mon appartement tout seul ».

Le rythme à l’ENS était toujours aussi soutenu qu’au CPES, « ce n’était pas du tout les vacances, c’était même plus difficile que la troisième année à Dauphine, il y avait beaucoup de travail ». Corentin aime particulièrement le campus, où sont réunis tous les étudiants, venant d’horizons divers. Il a à cœur de garder cet esprit du CPES, où tout le monde faisait des choses très différentes. D’ailleurs, il maintient toujours son lien avec la philosophie, en suivant un cours de philosophie politique. Lors de sa deuxième année (soit en M1), il part en Erasmus à Londres, à l’Imperial College : « Londres est une ville immense qui n’est pas si dépaysante par rapport à Paris ou Lyon, et le niveau des cours était même un peu moins bon qu’à l’ENS, j’étais vraiment très à l’aise même aux examens. Mais j’ai été impressionné par la fac qui était très grande et surtout par les moyens colossaux, tous les cours sont filmés, on était 6 ou 7 par classe maximum, le suivi était très personnalisé et le choix de cours très large ». Il passe ensuite trois mois en stage dans un laboratoire sous la supervision d’un de ses professeurs, à étudier la physique théorique des trous noirs. À son retour à Lyon, il se spécialise en mathématiques dans le parcours « groupes et géométrie » : « Ce qui est génial à l’ENS, c’est que les parcours sont créés pour trouver facilement des stages puis des sujets de thèses tout de suite après la sortie de l’école ». Il fait d’ailleurs son stage de fin d’année de M2 à Montpellier dans un laboratoire de recherches en mathématiques fondamentales sur la théorie géométrique des groupes.

« Ce qui est génial à l’ENS, c’est que les parcours sont créés pour trouver facilement des stages puis des sujets de thèses tout de suite après la sortie de l’école »

Parallèlement, il s’engage dans une association d’aide aux demandeurs d’asile, « Terre d’ancrage », fondée par une ancienne normalienne. Cette association, indépendante de l’ENS, aide les demandeurs en procédure Dublin en faisant de l’hébergement solidaire et de l’accompagnement administratif. Corentin se rend dans des squats où il donne des cours de français, il aide les étudiants membres des « Diplômes Universitaires Passerelle » visant à leur insertion dans le monde professionnel français. « Cette association prenait tout mon temps, même bien plus que mes cours à l’ENS. Il fallait un certain temps pour instaurer une relation de confiance avec les demandeurs, puis améliorer les conditions dans les squats, donner des cours de français, alors que du jour au lendemain, par un arrêté municipal, le squat dans lequel je m’étais tant investi était démantelé. Mais ce que j’y ai fait me paraît indispensable pour comprendre la réalité de ces personnes, à quel point c’est dur. Cette expérience a fait naître de réelles convictions ! »

En 2020, il entre en quatrième et dernière année, lors de laquelle on le prépare à la thèse avec deux séjours longs de recherche. Il fait d’abord un stage au laboratoire de mathématiques de l’université Paris Saclay. Censé partir à Kyoto pour son second stage, un certain virus dont on ne citera pas le nom fait son apparition et l’en empêche. Il reste finalement dans le même laboratoire à Orsay, qu’il fait à distance depuis son foyer familial, « un peu moins dépaysant que Kyoto mais sympa quand même ».

« Donner des cours permet de structurer mes semaines, sinon en thèse on est trop libre, on a juste un rendez-vous par semaine et c’est tout, le reste du temps on travaille seul »

Il commence sa thèse à Saclay en 2020, toujours sur la théorie géométrique des groupes, une question de recherche très contemporaine. Il donne en parallèle des cours en licence dans cette même université, ce qui lui plaît beaucoup et lui donne envie de poursuivre plus tard. Il ajoute : « donner des cours permet de structurer mes semaines, sinon en thèse on est trop libre, on a juste un rendez-vous par semaine et c’est tout, le reste du temps on travaille seul ». Après sa thèse, Corentin souhaite devenir enseignant tout en poursuivant la recherche au CNRS, bien qu’il soit conscient du peu de places disponibles. Il aimerait avant cela obtenir un post de doctorant à l’étranger : on lui souhaite de pouvoir enfin se rendre à Kyoto !

Nous finirons ce tour d’horizon auprès de Corentin avec un conseil qu’il donne à ses actuels élèves de licence et qu’il a tâché d’appliquer durant ses années cpessiennes mais aussi maintenant dans la recherche : « faites ce qui vous plait, il faut s’écouter. L’environnement dans lequel on travaille est essentiel, et par environnement, je veux dire le tissu affectif, les activités à côté, la ville dans laquelle on travaille. Et aussi, privilégiez le contenu au-delà de la qualité du diplôme : les heures de travail seront plus efficaces si on est heureux et qu’on se sent bien » !

Moralité, keep safe et take care en ce mois d’octobre et n’oubliez pas de vivre en dehors des cours <3

Interview et article de Lucie Courant.

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