Frénésie des fusions dans le monde universitaire : quelles stratégies doit privilégier l’enseignement supérieur français pour être plus attractif à l’international ? Entretien avec Alain FUCHS

Est-ce que cette concentration peut être une menace pour des universités de province de moins haut standing ?

A.F. : « Non, si on le prend bien, c’est une opportunité. Dans tous les pays, pour une réussite du système universitaire, il faut une diversification. Aux États-Unis, l’enseignement supérieur est très fort parce qu’il n’y a pas que les « très grandes » universités. Il y a aussi énormément d’écoles très prestigieuses où il n’y a pas beaucoup de chercheurs mais qui sont de très bon niveau au niveau undergraduate (ndlr : licence). Ce qui compte, c’est d’avoir des universités qui font très bien l’éducation au niveau licence, car ensuite, les très bons étudiants de ces universités-là souhaitant poursuivre leurs études iront faire un master ailleurs. 

« Le maître-mot est “diversification” et non pas “unification”. » 

Ce qui n’a pas marché en France et qui ne marche nulle part est l’uniformité ; faire semblant que tout le monde fait la même chose et que les diplômes de toutes les universités sont les mêmes. On a déjà la chance d’avoir un tissu d’universités de proximité très dense en France, qui permet aux étudiants de rester près de là où ils ont passé leur bac. Le maître-mot est “diversification” et non pas “unification”. 

Ainsi, il n’y a pas de menace sur des universités en particulier, mais il y a une menace sur le système global français, qui a longtemps été beaucoup trop uniforme. On cherchait une égalité à la française, c’est-à-dire une égalité formelle, où tout le monde doit être égal. Mais dans la réalité, ça ne suit pas. En effet, on tolère que les écoles d’ingénieurs ne soient pas gratuites. Donc sans faire de réforme ultra-libérale, il faut tout de même de la diversification. Il faut qu’il y ait de l’excellence partout, mais que tout le monde ne fasse pas la même chose. Je pense que c’est possible de faire ça. »

Sur le CPES : est-ce que la création d’« universités ombrelles » comme PSL peut avoir des répercussions négatives sur l’administratif, la cohésion ?

A.F. : « Toutes les réformes sont compliquées à mener. Mais je constate que l’engouement pour le CPES est très grand ; par le bouche-à-oreille, cette formation a fait son chemin. L’objectif était dès le départ excellence et égalité des chances. Dix ans après, on a des milliers de candidatures pour cent cinquante places. Ce qui n’est pas bien ! La formation est devenue trop sélective. 

Mais en tout cas, je constate que les étudiants du CPES à la fin de leur troisième année sont très contents de leur parcours. De plus, un certain nombre d’écoles s’arrachent les étudiants du CPES aujourd’hui, elles ont toutes envie de les recruter. A la rentrée dernière, le directeur de l’école des Mines me disait qu’il était embêté parce qu’il n’avait pas réussi à attirer des étudiants du CPES. Ces derniers sont aussi admis sur titre à l’X (École Polytechnique), accueillis à bras ouverts à Dauphine et postulent à l’étranger. C’est typiquement là qu’on remarque que le diplôme de PSL est un passeport : si une école ne sait pas ce qu’est PSL, ils peuvent aller regarder le classement de Shanghai. C’est pratique

« Le CPES est la réussite la plus éclatante de PSL jusqu’à aujourd’hui. »

Au-delà de cela, Martin Hirsch, directeur de l’APHP, a rendu un rapport sur l’égalité des chances et l’accès aux Grandes Écoles et aux formations les plus sélectives. On pourrait jouer sur les modalités de concours mais ça ne suffit pas, il faut frapper en amont. Il faut créer des viviers d’étudiants beaucoup plus diversifiés, comme au CPES, avec l’aide du dispositif des Cordées de la Réussite. En France, on pense encore beaucoup qu’excellence et égalité des chances sont incompatibles, mais le CPES prouve le contraire. Dans le rapport de Martin Hirsch, justement, il préconise de créer plusieurs CPES en province sur le modèle du CPES de PSL. Après dix ans, l’État reconnaît que ça fonctionne bien et qu’il faut continuer à multiplier des formations exigeantes mais avec égalité des chances, sans concours à la fin. Si on arrive à installer des formations exigeantes comme le CPES, cela peut potentiellement devenir une alternative aux classes prépas. En effet, pour beaucoup de jeunes, les classes prépas sont moins attractives que ce qu’elles ont pu l’être. Le CPES est la réussite la plus éclatante de PSL jusqu’à aujourd’hui. »

David, François-Xavier et Simon

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