Frénésie des fusions dans le monde universitaire : quelles stratégies doit privilégier l’enseignement supérieur français pour être plus attractif à l’international ? Entretien avec Alain FUCHS

Le fait que le système universitaire en France soit intimement lié à l’État dans son budget, pour permettre une université gratuite par exemple, ne peut alors pas être un frein à l’attractivité, à avoir les meilleures places dans les classements internationaux ?

A. F. : « C’est tout à fait vrai, l’université gratuite, quasi gratuite d’ailleurs, c’est un modèle, c’est aussi un slogan. Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans la situation d’il y a dix, vingt ou trente ans. Nous sommes dans une forme de massification, il y a bien plus d’étudiants en France. L’université gratuite, il faut bien que quelqu’un paie, donc c’est l’État qui compense. Le résultat, c’est que l’université gratuite n’est pas redistributive : pour des personnes relativement aisées, l’université gratuite leur rapporte plus au fond qu’à des personnes moins fortunées mais qui paient des impôts quand même. Ce qui veut dire que c’est un système plus juste d’avoir des frais de scolarité différenciés selon les revenus de la famille. Mais ce n’est pas facile à mettre en place. En France, Sciences Po et Dauphine en sont les pionnières. 

« Pour promouvoir un modèle à la fois compétitif et redistributif, les grandes universités françaises devront rester publiques et s’assurer que la puissance publique ne se désengage pas. »

En résumé, pour promouvoir un modèle à la fois compétitif et redistributif, les grandes universités françaises devront rester publiques et s’assurer que la puissance publique ne se désengage pas. Mais en même temps, la recherche et l’enseignement supérieur coûtent de plus en plus cher et il faut trouver ailleurs ce surcroît d’argent nécessaire car l’État n’est pas toujours en mesure de le fournir. Pour cela, deux pistes. La première, les levées de fonds. Des entreprises qui ont intérêt à se rapprocher de l’enseignement supérieur pour des questions d’image, bien sûr, mais aussi parce qu’elles ont envie de participer à l’effort de l’enseignement supérieur, peuvent devenir des mécènes. Attention, lever des fonds ne signifie pas devenir otage de grands groupes industriels, ce n’est pas comme ça que ça se passe. La deuxième piste sont des frais de scolarité différenciés. Et ces conditions réunies ne signifient pas obligatoirement des frais de scolarité excessifs. Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, ces frais, en revanche, sont devenus excessifs. Je fais le pari que ce n’est pas ça qui va se passer en France. »

Quelle est l’importance pour une université et ses étudiants d’avoir une bonne place dans ces classements internationaux ? 

A.F. : « Je pense que l’intérêt est réputationnel. C’est important que dans le monde de l’enseignement supérieur mondialisé, on réalise qu’en France aujourd’hui, il y a trois universités dans le top 50 et cinq universités françaises dans le top 100 de Shanghai. Le constat aujourd’hui, c’est que l’enseignement supérieur est mondialisé, c’est une boucle de circulation. Personne ne nie dans le monde qu’il y a des forces scientifiques en France. On connaît les chercheurs mais on ne connaît pas les institutions, et ça, c’est un vrai problème. Car si les chercheurs sont bons, si la recherche est bonne, il faut qu’il y ait quelques institutions qui participent à cette grande circulation. Quand on est chercheur, on veut une concentration d’excellence. Il y a aussi la question des équipements, mais elle est secondaire. En France, il faut surtout créer des « hubs » de recherche, car c’est cela qui attire les grands chercheurs.

Le deuxième point c’est bien sûr que c’est un passeport pour les étudiants. A la question “c’est quoi PSL ?”, la première réponse à l’étranger est : on est dans les classements internationaux, 36ème au classement de Shanghai. C’est purement pragmatique, la valeur intrinsèque des classements internationaux, on s’en fiche un peu. Personne ne croit à la vérité de ces classements, mais le fait d’être dans le top 50 ou le top 100 des classements universitaires c’est extrêmement important. Cela n’existait pas en France jusqu’alors, et ça nuisait vraiment à la visibilité. Aujourd’hui d’ailleurs, on ne peut pas dire que PSL soit une marque qui soit totalement inconnue, ce n’est pas Harvard bien sûr, mais on n’a pas eu cent ans. »

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