Éloge de l’échec amoureux

Ha l’amour… On le chante, on l’intellectualise, on le condamne, on l’idéalise… L’amour a fait couler beaucoup d’encre. Ne pensez surtout pas que je vais faire cesser cette pollution de mots, puisqu’aujourd’hui, mon discours aura pour objet l’amour, mais d’un tout autre point de vue. Mesdames et messieurs, aujourd’hui en effet je vais me faire l’avocate de l’échec amoureux !

Mais d’abord clarifions nos mots. L’échec amoureux se distingue de la réussite amoureuse qui engage deux êtres, ou plusieurs, dans une relation réciproque et dans un engagement. L’échec amoureux, au contraire, n’est donc pas un partage réciproque de sentiment, ou s’exprime à travers l’échec d’une construction, malgré peut-être l’existence de sentiments. Ainsi on oppose couramment échec amoureux/ réussite amoureuse, célibat/couple, fantasme/réalité, bref, on trouve une myriade d’opposition. Je vais faire quelque chose d’incroyable, puisque je vais vous montrer que cette opposition a été faite et construite des années durant par de pauvres ignorants.

Pour cela, demandons nous pourquoi ce sont précisément ces deux êtres ou plusieurs, qui se sont choisis. Interrogeons ces gens détestablement en couple. Vous aurez ainsi deux catégories d’amoureux. La première rassemble ceux qui expliquent la raison de leur réussite amoureuse par l’identité complètement opposée à la leur de leur amoureux. N’avez-vous jamais entendu « Si je l’aime, c’est parce qu’il est différent de moi et c’est pour cela que ça marche? ». La seconde regroupe des personnes qui affirment le choix d’autrui par une relation que je qualifierais de « miroir » : « je suis amoureuse de l’autre, parce qu’il est mon double, il est mon âme sœur et c’est pour cela que ça marche ». En fait ces deux groupes de personnes ont tort, mais avant cela rappelons-nous la nature de l’homme : l’être humain est, parce qu’il a une âme et un corps.

Ainsi, si je dis que ma relation marche parce que l’autre est complètement différent de moi-même, si je suis moi-même un être humain, l’autre ne peut logiquement être un être humain… Il a donc soit un corps mais pas d’âme, soit une âme mais de corps, soit ni l’un ni l’autre. Or, il n’y a que les être mués d’une âme et d’un corps qui peuvent avoir de sentiments. Donc si l’autre n’est pas un être humain, il ne peut pas avoir de sentiments pour moi, or une réussite amoureuse nous l’avons dit se définie par l’existence de sentiments réciproques l’un envers l’autre, donc ce n’est pas une réussite amoureuse, mais un échec.

Comment cela ? Vous n’êtes pas d’accord ? L’Autre est forcément un être humain, mais un être humain différent de moi-même ? Acceptons. L’être humain est composé d’une âme, d’un corps, nous l’avons dit, mais lie ces deux substances de manière complètement singulière, unique. Ceci explique ainsi les préférences, les gouts, les pensées. Chaque être humain est ainsi unique et singulier, et donc tous les êtres humains sont donc différents de moi-même. Ainsi, si je dis que j’aime l’autre qui m’aime en retour car il est différent de moi-même, cela est en fait une illusion car l’Autre est par essence différent de moi-même. J’aurais pu être amoureuse aussi bien de Pierre, de Paul, ou de Simone, puisqu’ils sont tous différents de moi. Ma relation amoureuse basée sur cette théorie est donc un échec puisque tout ceci n’est qu’une illusion.

Si cette fois-ci je dis au contraire que l’Autre est mon double, cela signifie, si l’on pousse l’hypothèse à l’extrême, qu’il a le même corps et la même âme que moi-même. Or nous venons de dire que l’Autre est par essence différent de moi-même. Il est donc impossible de trouver une personne ayant le même corps et la même âme que moi-même, ou une personne avec une âme exacte à la mienne mais avec un corps différent,  ou encore une personne avec le même corps mais une âme différente. Ainsi, l’existence de l’âme sœur – je vais peut-être briser des cœurs – est une illusion. Donc si je dis que ma relation fonctionne car l’autre est mon double, cette relation est en fait un échec car elle est basée sur une chose fausse.

Vous l’aurez ainsi compris, toute relation amoureuse est un échec amoureux. Il n’y donc pas de distinction à faire entre réussite amoureuse et échec amoureux. Faut-il donc tomber dans un pessimisme absolu ? Je vais vous montrer que non.

L’échec amoureux, nous l’avons dit, peut être défini par la non réciprocité des sentiments ou par la non réussite d’une construction sentimentale. En d’autres termes, soit l’autre ne m’aime pas – ou plus, soit l’autre m’aime, mais nous n’avons pas réussi à construire quelque chose de solide.

Si j’aime une personne, cela veut dire que je ne la hais pas. Or tout le monde sait que la haine mène à la violence, l’injustice et la guerre et qu’elle est le contraire de l’amour. Ainsi l’amour mène aux contraires de la haine, c’est-à-dire, à des actes affectueux, à la justice et à la paix. Peu importe finalement que mes sentiments soient réciproques ou non, j’aime, et l’amour mène au bonheur. Donc aimer mais ne pas être aimé en retour ne doit pas mener à la tristesse. Si l’autre m’aime aussi, mais que la relation est impossible en vue du statut social, de l’âge, ou de la distance, il y a quand même de l’amour, et nous l’avons dit, l’amour mène au bonheur. Ainsi, l’échec amoureux, à strictement parler, sous-entend l’amour, or l’amour c’est bien, donc l’échec amoureux, c’est bien aussi.

Cessons donc de pleurer pour des choses qui sont donc bien puisque la réussite amoureuse et l’échec amoureux sont une seule et même chose, et qu’ils n’apportent que du bien.

1 commentaire pour “Éloge de l’échec amoureux”

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